Loin d’Alep par Jacques Tarnero

24 Novembre 2016 | 58 vue(s)
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Actualité

Le 30 novembre, l’État d’Israël et les communautés juives du monde entier commémorent la Journée dédiée au souvenir de l'expulsion des Juifs des pays arabes et de l’Iran. A cette occasion, nous vous proposons la lecture de ce texte de Jean-Pierre Allali, vice-président de la JJAC (Justice for Jews from Arab Countries).

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires ! 

Martine Ouaknine est adjointe au Maire de Nice, déléguée au devoir de mémoire, à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, conseillère métropolitaine et départementale, présidente honoraire du Crif Sud-Est.

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C’est une étonnante indifférence qui entoure la mise en lambeaux de la ville d’Alep en Syrie.

Depuis des mois les forces de Bachar Assad aidées par les troupes iraniennes des Gardiens de la Révolution, par l’armée russe  et surtout l’aviation russe ont transformé la deuxième ville de Syrie en un immense champ de ruines autant qu’en cimetière à ciel ouvert. Les morts se comptent par centaines toutes les semaines. Malgré les indignations affichées, les condamnations diplomatiques officielles, rien ne semble pouvoir arrêter la destruction d’Alep. La guerre se mène à la russe : brutale, indifférenciée. Les menaces de sanctions occidentales n’y font rien et paraissent comme autant de postures sans lendemain. Poutine est maitre du jeu et rien ne semble pouvoir entraver sa conquête.

Ainsi aux yeux du monde, aux yeux de l’ONU, aux yeux du monde arabe, un dictateur arabe peut massacrer son propre peuple dans une indifférence quasi générale. Cet état de fait mérite quelques commentaires à partir d’une autre configuration imaginaire : que se serait il passé si c’était Israël qui bombardait la Syrie ?
 

Combien de motions de l’ONU dénonçant la barbarie sioniste, combien de synagogues auraient brûlé à Sarcelles et à Trappes mais aussi à Londres et à Bruxelles ? Combien de pétitions d’anciens ambassadeurs de France à la retraite auraient demandé une rupture des relations diplomatiques de l’Europe avec Israël et la fin de l’impunité dont jouit cet Etat ? Combien d’articles signés Edgard Morin, Etienne Balibar et Alain Badiou auraient inondé la presse pour dénoncer cet Etat criminel par nature ? Combien de manifestations auraient arpenté les villes des villes d’Europe ? Les jeunes-des-quartiers-difficiles-issus-de-la-diversité, Indigènes de la République en tête de cortège, Front de gauche, parti de gauche, collectif des sans papiers, celui des femmes voilées victimes de l’islamophobie, les amis de Médiapart, ceux de Tariq Ramadan, ceux de Pascal Boniface, tous auraient communié dans une prière géante organisée place de la Concorde aux cris de Allah Akbar !
 

Ce qui est frappant dans ce scénario c’est qu’il est de l’ordre du possible et des signes annonciateurs ont déjà produit quelques symptômes, l’été 2006 au moment de la guerre menée par Israël contre le Hamas à Gaza. Les jeunes-des-cités-difficiles-issus-de-la-diversité avaient déjà transformé Belleville et Sarcelles en champ de bataille et quelques synagogues parisiennes avaient senti passer le vent du cocktail Molotov. Cette sensibilité des jeunes-des-quartiers-difficiles-issus-de-la-diversité, pour les malheurs palestiniens a de quoi émouvoir. Si Stéphane Hessel était de ce monde il appellerait à un soulèvement des âmes n’en doutons pas. Or c’est le silence, le calme règne dans les banlieues. Les kalachnikov ne servent qu’à régler des comptes entre dealers des quartiers Nord de Marseille.
 

Une évidence s’impose : quand des arabes massacrent d’autres arabes, le monde est en ordre et les jeunes-des-cités-issus-de-la-diversité retrouvent leur repères. Quand des musulmans sunnites ou chiites ou alaouites s’entretuent, le monde est aussi en ordre avec une totale absence d’indignation médiatique. Ce silence ne mérite-t-il pas réflexion? Quel est ce regard raciste porté sur le monde arabe et le monde musulman à considérer ces peuples comme des barbares de toute éternité ? N’y aurait il pas un zeste d’islamophobie dans cette considération ? Certes ne faisons pas d’amalgame et cette religion d’amour et de paix ne saurait être considérée comme comptable des crimes commis en son nom. L’amalgame étant évité, il faut donc revenir au cœur de notre propos : la barbarie sioniste responsable du malheur arabe. D’ailleurs l’UNESCO, toujours une longueur d’avance en matière de lucidité historique, ne s’y est pas trompée : ne vient elle pas de mettre à jour une imposture : le Mur des lamentations est bien une invention juive pour s’approprier une terre qui n’est pas la leur. Du Temple de Salomon, de celui d’Hérode, de leurs destructions, de la déportation des Juifs comme le montre l’Arche de Titus à Rome, tout ceci ne serait qu’une fable enfin révélée dans la dernière résolution votée à l’UNESCO. Cette merveilleuse institution toute entière dédiée aux arts et la culture trouve dans cette affaire le bon usage de son budget. 
 

L’ONU n’est pas en reste dans la construction d’un monde plus aimable : le nouveau Haut commissaire de son Conseil des droits de l’homme, le prince jordanien Zeid Raad Al-Hussein, toujours prêt à condamner Israël et qui s'est offusqué des arrêtés "anti-burkini" en France, ne s’est guère ému de l’assassinat à Amman de l’écrivain jordanien Nahed Hattar, 56 ans,  qui était accusé de blasphème, pour avoir publié une caricature considérée comme offensante. Il devait être jugé pour « incitation à la discorde confessionnelle » et « insulte » à l’islam.
 

L’ironie ne convient pas aux drames et nous arrêterons ici la liste des bouffonneries sanglantes de notre temps et des beaux mots utilisés pour en travestir les termes. Dans « Le monde d’hier », Stephan Zweig faisait le constat suivant : « cela reste une loi immense de notre histoire, celle qui interdit précisément aux contemporains de discerner dès le début les grands mouvements qui déterminent leur époque» 

Devant ce qui allait être son époque Zweig a préféré se donner la mort.
C’était en 1942. Dans quelle époque entrons nous ?