Jean-Pierre Allali
Sur les ailes de la chances, par Georgia Hunter*
C’est une saga. L’histoire extraordinaire d’une famille juive polonaise, les Kurc, aux heures sombres de la Shoah.
L’auteure, qui vit aux États-Unis, découvre, alors qu’elle a une quinzaine d’années et que son grand-père, Eddy Courts, vient d’être emporté par la maladie de Parkinson en 1993, que ce dernier, loin d’être un « pur américain », polyglotte et féru de musique classique, était un Juif polonais, Adolf Kurc alias Addy Abraham Israël, à la naissance, qu’il avait une famille nombreuse et diverse qui n’ pas été épargnée par la folie meurtrière des Nazis.
À l’occasion d’un travail scolaire, elle décide de se lancer dans une véritable enquête en interrogeant sa grand-mère Caroline. Elle découvre la ville de Radom où vivaient alors 30 000 Juifs dont seules quelques centaines survivront à la Shoah. Après sa grand-mère, Georgia Hunter va questionner tous les membres de sa famille. Puis, en 2000, à l’occasion d’une réunion de famille, les détails sur la vie des Kurc fusent. Chacun y va de sa petite histoire. C’est décidé : Georgia rejoint l’Europe avec un dictaphone et un cahier de notes.
Cela nous vaut un superbe ouvrage qui relate des événements qui e sont passés entre mars 1939 et avril 1947. Le lecteur se retrouve bien évidemment en Pologne, à Radom, occupée par les Allemands et à Lviv, occupée par les Soviétiques, deux zones séparées par la rivière Boug, à Varsovie, à Lodz, mais aussi en France, au Brésil, aux États-Unis, en Sibérie, en Perse, en Afrique, au Maroc ou encore en Italie. Sans oublier Tel Aviv et la Palestine.
Les chapitres, pour la plupart, portent le nom de membres de la famille dont on suit le parcours tragique : Addy, bien sûr, mais aussi Mila et Felicia, Genek et Herta, Halina et Adam, Sol et Nechuma, Jakob et Bella…
Souvent, une notice à caractère historique permet de bien situer dans le temps les événements décrits.
Certains épisodes historiques comme la bataille terrible de Monte Cassino sont décrits avec force détails pour notre édification. On remarquera, par ailleurs, quelques anecdotes surprenantes dans un milieu juif au demeurant traditionnel : la propension, à l’occasion, à se délecter de crustacés, de crevettes, notamment, cuisinées dans du lait de coco et, à l’occasion du mariage secret de Bella et de Jakob, un menu comportant des steaks hachés de cheval. Certes, à la guerre comme à la guerre ! Ou encore l’évocation de Juifs de la famille d’ Addy, qui participaient à des chasses au faisan.
Malgré les drames et les morts, la famille Kurc, miraculeusement, finira par se reconstituer. Un nouveau départ pour une nouvelle vie.
Une très belle histoire. Un témoignage émouvant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Charleston. Février 2019. Traduit de l’anglais par Typhaine Ducellier. 574 pages. 22,50 €.