Jean-Pierre Allali
Érudite au talent exceptionnel, professeur émérite d’histoire des religions à la Sorbonne, spécialiste de l’Antiquité, Mireille Hadas-Lebel, nous offre régulièrement, au fil des ans, des ouvrages de qualité qui font référence. On se souvient notamment de son Flavius Josèphe, le Juif de Rome (1) et de son Philon d’Alexandrie : un penseur en diaspora (2). Sans oublier, plus récemment, Une histoire du Messie (3).
Dans sa nouvelle étude qui porte sur Hérode, un personnage méconnu pourtant essentiel pour la compréhension de l’histoire du peuple juif, un roi qui, pour certains, fut « Hérode le Grand » et, pour d’autres, « Hérode le Cruel », auteur d’un « massacre des Innocents » qui, nous précise sa biographe, n’eut pas lieu.
Mireille Hadas-Lebel se base sur l’œuvre de Flavius Josèphe, sur l’Évangile de Matthieu, sur le Talmud et sur le Josippon , sur Nicolas de Damas, Grec de Syrie,philosophe et historien, précepteur des enfants de Cléopâtre et sur les découvertes archéologiques comme sur les monnaies anciennes.
Né en -73 avant JC , Hérode n’était pas à proprement parler un Juifs de « souche » comme on dit de nos jours. Fils d’un Iduméen et d’une Nabatéenne, il appartenait à un groupe humain converti en masse au judaïsme. Un auteur chrétien du 4ème siècle, Eusèbe de Césarée est allé jusqu’à affirmer qu’Hérode était « de race étrangère car Iduméen par son père et Arabe par sa mère ».
Plus tard, les adversaires « intégristes » d’Hérode ne manqueront pas de rappeler cette origine « bâtarde » pour expliquer son respect approximatif de la loi juive.
C’est en l’an -40 avant JC qu’Hérode monte sur le trône et devient le roi des Juifs à l’ unanimité des sénateurs romains ( Rex socius et amicus populi Romani). Un « roi-client de Rome », en somme.
Le règne d’Hérode sera marqué par les intrigues de palais, les guerres, les meurtres y compris au sein de la famille proche et une vie amoureuse particulièrement agitée. C’est le mauvais côté du personnage qu’ont retenu, pour l’essentiel, la plupart des commentateurs.
Si elle n’oublie pas cet aspect incontournable de l’histoire d’Hérode, Mireille Hadas-Lebel nous montre aussi le côté de grand bâtisseur de ce souverain hors du commun. Qu’il ait eu la « folie des grandeurs » ou le culte du beau, on ne saurait oublier, parmi les travaux extraordinaires qu’il fit entreprendre : l’édification d’un grand port maritime à Césarée, le palais nord de Massada construit sur trois terrasses, l’Hérodion, montagne artificielle couronnée d’un somptueux palais, la forteresse Antonia et, surtout, la rénovation du Temple de Jérusalem, détruit en -586 lors de la conquête babylonienne. Revenus de l’exil, les Juifs, on le sait, furent autorisés par l’empereur perse Cyrus, à revenir à Jérusalem et à y rebâtir le Temple en -538. Construit en blocs de pierres gigantesques, le nouveau Temple, le troisième, celui dont il ne reste aujourd’hui que le Kotel, mesurait cent coudées de long et autant de large. Selon Josèphe, c’était « l’ouvrage le plus admirable qui fut sous le soleil ».
On se perd un peu, parfois, dans la généalogie des personnages, notamment du fait de la redondance de certains noms, mais l’auteure a eu l’excellente idée de nous proposer un arbre généalogique de la dynastie hérodienne, qui, bien que simplifié, permet de retrouver le fil familial depuis Antipas I, Antipater l’Iduméen, conseiller d’Hyrcan II, marié à Cypros à Agrippa II, roi des Juifs, Bérénice et Drusilla en passant par notre personnage, Hérode le Grand, roi des Juifs, marié dix fois.
Très malade sur la fin de sa vie, Hérode, est « mort dans son lit » » en -4.
Un très beau livre. Á découvrir absolument.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Fayard. Mai 2017. 368 pages. 22 €.
(1) Éditions Fayard, 1989.
(2) Éditions Albin Michel, 2014. Voir notre recension dans la Newsletter du Crif en date du 28 octobre 2014.