Jean-Pierre Allali
146 boulevard Hausmann, par Maurice Soustiel*
Dans ce récit véritablement autobiographique, l’auteur raconte la tragédie vécue par ses parents, par sa famille et, au-delà, par la communauté juive de Salonique, aux heures sombres de la Shoah, des dizaines de milliers de Juifs disparus dans les camps de la mort et dont on a, relativement, moins gardé le souvenir.
Né en 1950, l’auteur n’a pas vécu cette époque à laquelle ont été mêlés son père, Joseph Soustiel, sa mère, Irène, dont la destinée familiale mérite à elle seule un roman, son frère, Jean, né en 1938 et sa sœur Hélène, née en 1939. Plus tard, la famille s’agrandira avec Marie-Claire (1947) et Nicole (1948).
Il était une fois Joseph Soustiel, qui tenait un magasin d’antiquités à l’enseigne de « Art Musulman », au 146, boulevard Hausmann.
Et il était une fois Irène, fille unique de Berthe Eskénazi, née Léger, qui mourra très jeune. Dès lors, Joseph fera la promesse d’être le tuteur légal d’Irène qui a alors dix ans et l’épousera quand elle atteindra l’âge légal de quinze ans et trois mois.
Lorsque la soldatesque nazie met la main basse sur Paris et que le Statut des Juifs est instauré, Joseph commet l’erreur fatale de se déclarer comme juif. Dès lors, c’est l’enchaînement des catastrophes : un administrateur aussi rapace qu’antisémite est désigné pour gérer la « Judisches Geschaft », Jacques Poussin, les enquêtes sur la judéité des Soustiel se multiplient, assorties de pressions de toutes sortes. Sans oublier l’intrusion d’un médecin obnubilé par la notion de race : George Montandon.
Une lueur d’espoir viendra d’un voisin, Emanuele Brunatto, homme d’affaires italien, proche des milieux nazis, mais que sa foi chrétienne incitera à protéger les Soustiel, notamment en tentant de les faire passer pour de bon Chrétiens.
À la libération, Joseph et Irène retrouvent miraculeusement une cousine, Rachel. C’est elle qui leur dévoilera l’étendue de la catastrophe : « Personne ne revient de la fosse des morts…Notre passé s’est effacé tout entier ». Ils sont tous morts, là-bas, à Birkenau : les Soustiel, certes, mais aussi les Matalon et les Kounio, les Carasso et les Matarasso, les Ardity, les Errera, les Beraha, les Broudo, les Nahmias, les Rousso, les Benveniste, les Uziel, les Saporta et les Saltiel. Rien que pour ces derniers, plus de six cent cinquante d’entre eux ne sont pas revenus ! « Una desgrasia », un malheur incommensurable.
Joseph Soustiel est mort en 1990 et son épouse en 2011.
De nombreuses illustrations et des documents originaux très rares agrémentent cet ouvrage qui constitue un témoignage irremplaçable.
À découvrir.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions MED. Janvier 2018. Préface de Brigitte Peskine. 298 pages. 20 €.