Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

#BlogDuCrif - Céline, l’actualité d’une crapule

18 Janvier 2018 | 468 vue(s)
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Opinion

Vouloir profiter de l'actuelle polémique pour assimiler les arrêtés anti-burkini à la Saint-Barthélemy et à la Shoah, c'est tomber dans l'indigne et le nauséabond 

A l'occasion de l'assemblée générale du Crif réunie le 29 mai 2016, j'ai prononcé mon discours de candidature.

Depuis des années, l’historien Marc Knobel a de salutaires obsessions et une puissante détermination. L’une de ses salutaires obsessions, sur laquelle il a beaucoup travaillé et mené de profondes recherches, est cette diffusion sans frontières, sans retenues et sans toujours grandes oppositions, des haines multi-formes qui s’entretiennent.

Pour comprendre cet accord entre l’Iran et les grandes puissances sous la direction stratégique des USA, il faut essayer de comprendre la nouvelle politique internationale de l’administration américaine

Eté 2014. Pendant 1 mois et 18 jours, Israël a vécu au rythme des alertes et d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un an plus tard. Juillet 2015 : Que reste-t-il de ces jours d’angoisse ?

Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Antoine Gallimard a donc « suspendu » la réédition des pamphlets de Céline. Dont acte. Lui qui avait en 2011 déclaré que pour faire son métier, il fallait aimer les livres et les auteurs, et avoir envie « de les faire aimer », écrivait il y a peu de ces pamphlets qu’on avait  « connu bien pire ». Les a-t-il vraiment lus ? Car ce ne sont pas des 

« écrits polémiques » titre scandaleusement aseptisé, mais des brûlots de haine et par endroits des appels au meurtre de masse.

En quelques clics chacun peut lire les pamphlets de Céline. Il en coûtera le prix des médicaments sédatifs pour supporter leur lecture. En 2012, sous la direction d’un universitaire insoupçonnable au plan de l’antisémitisme mais non historien, une édition critique a été publiée au Canada : un livre y tombe dans le domaine public après 50 ans (70 en France) ce qui écarte alors le « préjudice moral » des ayants droit, lequel a empêché la publication des pamphlets en France car la veuve de Céline s’y refusait. Or, à 105 ans, elle aurait  changé d’avis…..

Pourquoi la décision de publier ces textes ? Parce qu’il faut lutter contre les « éditions pirates » ? Mais attribuer à ces pamphlets l’estampille Gallimard, c'est leur accorder un label de légitimité.  Parce que, comme le dit l’avocat de Mme Céline, le temps est à l’apaisement en matière d’antisémitisme ? Que voilà un scoop mensonger ! Parce que les « jeunes des banlieues » ne lisent pas Céline ? Mais les « autres » y trouveront un arsenal plus que nauséabond.  Parce qu’on a publié « Mein Kampf » en Allemagne ? Mais les cent mille acheteurs ne l’ont pas acquis uniquement pour profiter de son remarquable appareil critique. Parce qu’on a aussi réédité « les Décombres » de Rebatet ? Mais ce livre, publié avec soin, n’a jamais été pris pour un monument littéraire. Parce que cela permet de voir que ces pamphlets sont à peu près illisibles et contribuent à la mise à bas du mythe Céline ? Mais cette confiance dans le lecteur est constamment démentie par les faits.

« Attribuer à ces pamphlets l’estampille Gallimard, c'est leur accorder un label de légitimité »

Au moins, un environnement critique étai-ilt espéré, mais il semble que celui qui a été prévu était assez « léger » et plutôt littéraire. Or depuis 2012, la connaissance de l’individu Céline a beaucoup progressé. PA Taguieff et A. Duraffour en ont tracé une image accablante, agent d’influence nazi, antijuif fanatique, dénonciateur, lâche, âpre au gain, faux humaniste, faux pacifiste, faux médecin des pauvres, constructeur d’une auto-légende victimaire. Une crapule qui aurait mérité le peloton d’exécution. Des célinolâtres ont essayé en 2011 de le mettre au rang des gloires nationales. Président du Crif à l’époque, j’avais écrit pour m’indigner. C’est dire si j’approuve la position du Crif d’aujourd’hui.

Après « Bagatelles pour un Massacre », Robert Brasillach, fusillé à la Libération, écrivait ceci en janvier 1938 : « Pour ma part, qui ne suis ni admirateur forcené de M. Céline, …ni même terriblement passionné d'antisémitisme (sic), je dois dire que tout d'abord, je me suis royalement amusé ». 

Il disait juste. Dans le torrent verbal rabelaisien de Céline, il y a de quoi être emporté par le rire. Mais ce n’est pas le rire joyeux de Rabelais, c’est le ricanement mauvais du racisme et de la haine antisémite, le rire de la connivence entre l’élégant normalien Brasillach et le faux prolétaire Céline, celui de Dieudonné et de Soral. C’est un rire dangereux. On ne doit pas rire avec Céline.

Malheureusement le mal est fait: les bons esprits ont parlé de censure. Mais comment être angéliques quand les vents sont si mauvais ? Comment lutter contre les débordements sur Internet quand on autoriserait des monstruosités sous prétexte qu’elles furent écrites par un « grand écrivain » ? Il y aussi ceux qui pensent que la décision de retrait  est un cadeau à ceux qui prétendent que les Juifs dominent le monde. Mais l’appel au silence a servi de trappe à la mémoire et à la vérité. Ces temps ont passé. Merci à vous, les Klarsfeld.

Richard Prasquier, Président d'honneur du Crif et Président du Keren Hayessod France

Publié le 18 janvier 2018 dans Actualité Juive