Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Blog du Crif - Les Juifs d'Inde

04 Janvier 2021 | 731 vue(s)
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Actualité

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires ! 

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Photo : Juifs de Cochin vers 1900

Les miracles se sont multipliés lors de la récente période lumineuse de Hanoucca. Après la décision du Maroc de renouer pleinement avec Israël, l’arrivée de plusieurs centaines de Juifs éthiopiens en Eretz, événements majeurs qui ont suivi de peu, la signature des Accords d’Abraham avec les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn et la décision du Malawi d’installer son ambassade à Jérusalem, voici qu’en cadeau d’allumage de la sixième bougie, l’État juif a accueilli, à l’aéroport Ben Gourion, au son de l’Hatikva,  256 Bné Ménaché, des Juifs du nord-est de l’Inde à la frontière avec la Birmanie. Une arrivée qui témoigne des liens très forts qui unissent depuis de longues années Israël et l’Inde, un grand pays où des communautés juives se sont installées depuis longtemps.

Le rapprochement entre l'Inde et Israël s’est accéléré en 2016. Cette année-là, en visite en Israël, la ministre indienne des Affaires étrangères avait déclaré : « L'Inde attache la plus haute importance au développement des relations bilatérales avec Israël ». Dans les années 1990, le volume annuel des échanges entre les deux pays était de 200 millions de dollars. Il passa, en 2016, de 4,5 milliards de dollars! Les choses ont continué d’aller dans le bon sens depuis. La coopération entre l'Inde et Israël est aussi militaire.

Depuis son accession au pouvoir, le Premier ministre indien, Narendra Modi, s'est révélé être un admirateur et un ami d'Israël. Il n'a pas hésité, par exemple, à déclarer : « L'Inde est le seul pays où l'antisémitisme n'a jamais été autorisé à se manifester et où les Juifs n'ont jamais souffert et ont vécu comme une partie intégrante de notre société ». À la même époque, on apprenait que 43 Bné Ménaché, venus de l'État du Manipur, au nord-est de l'Inde, avaient fait leur alyah. Plus de sept cents Bné Ménaché ont rejoint Israël en 2016. Ils y ont retrouvé leurs trois mille frères qui, pour l'essentiel, vivent à Kyriat Arba et Beit El. Et il y a peu, donc, ces 256 nouveaux arrivants. Les Bné Ménaché sont tenus de procéder à une forme de régularisation rabbinique avant d’être reconnus comme Juifs à part entière. Mais qui sont donc les Juifs des Indes ?

 

Il y avait environ 35 000 Juifs aux Indes lors de la création de l'État d'IsraëlEn 2020, ils ne sont plus qu’environ 3 000 dont 80% vivent à Bombay. On en trouve également à Calcutta, à Cochin et à New Delhi. Si l'Inde, avec ses 800 millions d'âmes est la plus grande démocratie de la planète, c'est un fait, comme le rappelait son Premier ministre, qu'elle n'a jamais connu, comme l'Europe ou le monde arabo-musulman, de tradition antisémite. Certes, sous l'influence des Arabes en général et des Palestiniens en particulier, la presse indienne n'a pas toujours été tendre à l’égard d’Israël ces dernières années, mais on est loin de ce que l'on peut observer en Europe ou en Orient musulman. Par ailleurs, la renaissance, en 1948, d'un État juif a entraîné l'alyah d'un nombre conséquent de Juifs indiens.

Si, de nos jours, la plupart des Juifs indiens se retrouvent dans le secteur tertiaire : fonctionnaires, employés des chemins de fer, cadres municipaux, ou s'ils sont encore agriculteurs et commerçants, les réussites individuelles ont été nombreuses au cours des ans. Ainsi, le général Jacobs qui commanda l'armée indienne dans la guerre contre le Pakistan, était juif. Tout comme le commandant de la marine indienne dans les années soixante-dix. Sans oublier le grand poète indien Nissim Ézékiel, son frère, l'économiste Hannan Ézékiel qui dirigea l'Economic Times, l'écrivain Bunny Ruben ou le zoologiste David Reuben. En 1884, deux Juifs, Elia Shalomé Subbay et Elia Ezra, siégèrent à l'assemblée législative du Bengale et, en 1926, le shérif de Calcutta s'appelait Sir David Ezra.

On considère généralement que la communauté juive indienne est composée de trois entités distinctes, elles-mêmes découpées en subdivisions plus ou moins nettes. Ce sont les Bnéi Israël, les Juifs de Cochin et les « Irakiens ».

À ces trois grands groupes, il convient d'ajouter les Juifs « chinois » de l'Assam et les néo-Juifs mongoloïdes du Mizoram et de sa capitale, Aizawl, appelés aussi « Mizos » ou « Kukies » qui se considèrent comme descendants de la tribu de Ménaché, à l'instar des Juifs de Burma, de l'État de Manipur et de celui de Nagaland et qui sont apparentés aux Karens de Birmanie.

Les Bnéi Israël, que l'on surnomme « Shanwar Teli », c'est-à-dire « Les Presseurs d'huile du samedi », prétendent que leurs ancêtres, de la tribu de Reuben, ont quitté la Galilée lors des persécutions d'Antiochus Épiphane (175 à 163 avant JC). Leur embarcation ayant fait naufrage dans l'Océan Indien, seuls sept hommes et sept femmes survécurent et se retrouvèrent sur la côte de Konkan, au sud de Bombay. Tout en observant, peu ou prou, le judaïsme, ils s'intégrèrent à la société hindouiste dont ils adoptèrent la langue, le marathi. Les Bnéi Israël sont répartis en« Blancs », les « Goras », et en « Noirs », les « Kalas » entre lesquels, la séparation, sur le modèle indien des castes, est très stricte.

Les Juifs de Cochin disent aussi venir de la Terre sainte qu'ils auraient quittée au premier siècle après la destruction du second Temple de Jérusalem. Ils auraient, eux, débarqué sur la côte de Malabar.

Dans la synagogue de Paradesi (Paradesi veut dire « L'Étrangère »), ils conservent précieusement deux plaquettes de cuivre rédigées en langue tamile en l'an 1020 et sur lesquelles le radjah Bhaskira Kavivarman, leur accorde des terres et des privilèges comme celui de monter des éléphants.

Les Juifs de Cochin se divisent en trois groupes fortement endogènes : les Juifs blancs, les Juifs noirs et les Meshuarim, descendants de Juifs blancs mariés à des esclaves indigènes converties au judaïsme.

Les Juifs venus d'Irak, de Syrie, d'Afghanistan et d'Aden, désignés sous le terme générique de « Bagdadis » ou « Irakis » vinrent en Inde au 18ème siècle, dans le sillage du grand homme d'affaires, David Sassoon, surnommé « le Rothschild de l'Orient ». Ils se distinguent par une peau beaucoup plus claire que celle de leurs coreligionnaires. Longtemps les trois sous-ensembles ont vécu sans aucun contact les uns avec les autres.

Synagogues, mikvés, centres communautaires, organisations juives de tous ordres continuent de fonctionner en Inde. Mais la démographie est éloquente et bien qu'on assiste au retour au pays natal de certains Juifs qui se disent déçus par Israël, la population juive s'amenuise. Si certains signes sont encourageants comme, par exemple, le premier mariage juif depuis cinquante ans a été célébré à New Delhi en novembre 2012, à l'opposé, le cimetière juif de Panvel, à vingt kilomètres de Bombay, est à l'abandon livré aux squatters et la synagogue Paradesi de Cochin  est devenue un entrepôt pour fruits de mer. En novembre 2008, des attentats avaient fait cent-soixante-dix victimes à Bombay. Parmi eux, un couple habad, Gabriel et Rikva Holzberg et quatre visiteurs juifs. Le rabbin Israël Kozlovsky et son épouse, qui dirigent la communauté loubavitch de Bombay, ont décidé, en février 2016, de prénommer Gabriel, leur nouveau-né, en souvenir de Gabriel Holzberg.

L’arrivée de centaines de Bné Ménaché des Indes en Israël, le 15 décembre 2020, est incontestablement u symbole très fort.

Jean-Pierre Allali

 

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