Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif - Le jour où Sacha Distel a vu sa mère porter l'étoile jaune

11 Juin 2020 | 1287 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Techouva, de Frédéric Lauze.

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Il y a 80 ans, le 7 juin 1942, la législation instaurant l'étoile jaune était mise en place. À cette occasion, découvrez 4 articles sur la façon dont Serge Gainsbourg, Jean Ferrat, Sacha Distel et Marcel Gotlib ont vécu le port de l'étoile jaune.

Ces articles sont proposés par Bruno Halioua, et issus de son livre «Leur Seconde Guerre Mondiale», (édition Buchet Chastel - 2020). Dans ce livre, il s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.

Le jour où Sacha Distel a vu sa mère porter l'étoile jaune : "Ça voulait dire quoi, Juif ? Quelqu'un qui porte une étoile ? Je n'y comprenais rien"

Le 7 juin 1942, le petit Sacha Distel âgé de 9 ans se rend compte que sa mère porte une étoile jaune sur le revers de son manteau. Sacha n’est pas astreint au port de l’étoile jaune étant donné que son père n’est pas Juif.

Quand sa mère l’accompagne à l’école, il ressent ce jour-là une gêne indescriptible. Il se rend compte que le regard que lui porte les autres enfants change « J'étais désormais celui dont la maman portait un signe distinctif humiliant et que les autres gosses regardaient avec un drôle d'air ».  Il prend conscience de son altérité sans saisir précisément les raisons exactes :

« Ça voulait dire quoi, Juif ? Quelqu'un qui porte une étoile ? Je n'y comprenais rien. J'éprouvais un sentiment de profonde injustice, de non-normalité dont je ne saisissais pas les raisons ». Ce sentiment d’être différent est d’autant plus gênant qu’il ressent un climat d’angoisse et d’anxiété à travers les conversations de ses parents : « Je pressentais des choses mystérieuses et inquiétantes ».

Par la suite la mère de Sacha Distel est arrêtée par deux policiers français sous les yeux de son mari et de son fils qui tenteront naïvement de les faire changer d’avis : « j’éclate en sanglots, puis je me ressaisis et, parade dérisoire, je leur joue au piano une chanson de Ray à laquelle ils restent insensibles ».

Après le départ de sa mère, Sacha éprouvera une haine irascible vis-à-vis des policiers français. « Le sentiment que j'éprouve alors, ce n'est ni la peur ni la tristesse, mais la colère ; l'envie de tuer ces deux salauds. Et puis une question : comment des Français peuvent-ils faire une chose pareille ? Un dégoût m'envahit... La porte se referme. Papa s'effondre. Nous pleurons tous les deux, sans trouver la force de réagir ».

Sacha Distel est ensuite caché avec treize autres enfants juifs par Constant Domaigné au collège de l'Immaculée-Conception de Laval. A l’occasion de son enroulement comme enfant de chœur, on s’est  rendu compte que Sacha avait une jolie voix.

Sacha Distel restera toute sa vie marquée par cette période de la Shoah où il a mené une existence de parai comme il l’expliquera « Ce trait de caractère me restera : je ne me juge ni meilleur ni pire que les autres, seulement différent d'eux - pas trop différent, mais tout de même assez... ».

 

Dr Bruno Halioua, Président de la Commission Souvenirs du Crif

Cet article est extrait de « Leur Seconde Guerre Mondiale », le prochain livre de Bruno Halioua. (A paraître édition Buchet Chastel en octobre 2020). Dans ce livre, Bruno Halioua s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.