Blog du Crif - Est-il permis de critiquer Pascal Boniface ? par Frédéric Haziza

12 Février 2020 | 950 vue(s)
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France

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

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Pascal Boniface a été débouté de sa plainte en diffamation contre Frédéric Haziza. Et l’épilogue de cette affaire est doublement essentiel.

 

Est-il permis de critiquer Pascal Boniface ? par Frédéric Haziza, journaliste, chef du service politique de Radio J, animateur du «Forum Radio J».

 

"Je trouve inadmissible le terrorisme intellectuel consistant à accuser d’antisémitisme toute personne qui critique le gouvernement israélien" : c’est en ces termes que Pascal Boniface introduisait son mémorable ouvrage «Est-il permis de critiquer Israël ?», usant jusqu’à la corde le vieux truc de la victimisation qui deviendra sa marque de fabrique.

Pascal Boniface a pris l’habitude, depuis près de vingt ans, de tenter de se faire passer pour une victime – voire même la victime de ce qu’il appelle «l’ultra-droite sioniste pro-Netanyahu» et «les intellectuels faussaires». Un groupe dans lequel il mêle, au gré de ses écrits, de ses interventions dans les médias, de ses vidéos ou de ses livres, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Julien Dray, Pierre Moscovici, Serge Weinberg, Richard Malka, Frédéric Encel, Patrick Kkugman, Pierre Schapira, Laurent Azoulai et moi-même.

Sans oublier les personnalités non juives coupables d’être les compagnons de route de cette «ultra-droite sioniste» : Mohamed Sifaoui, Philippe Val, Caroline Fourest, Jean-Marie Le Guen, Gilles Clavreul ou encore Manuel Valls.

Une manière, pour Boniface, d’assurer ses passages dans les médias –notamment sur France 5 – ainsi que d’interdire toute critique de sa personne et de sa prose. Et en premier lieu de sa fameuse note intitulée : «Le Proche-Orient, les socialistes, l’équité internationale, l’efficacité électorale». Une note qu’il avait envoyée en avril 2001 à François Hollande et à Henri Nallet dans la perspective de l’élection présidentielle de 2002.

Boniface allant jusqu’à déposer, 15 ans plus tard, une plainte pour diffamation contre moi pour avoir fait allusion à cette note dans le cadre du «Forum Radio J» du 26 juin 2017 face à Manuel Valls, à deux jours du second tour de la primaire présidentielle du PS qui l’opposait à Benoît Hamon. 

Crime absolu, j’allais dire crime de lèse-majesté : car, selon Boniface, je m’étais permis de faire un parallèle entre ladite note et la campagne «communautariste» de Hamon. Je partais de ce constat : «Il y a un certain nombre de dirigeants du Parti Socialiste qui disent : Ce qui se passe aujourd’hui lors de ces primaires et notamment par la voie de certains concurrents, éventuellement Benoît Hamon, nous rappelle une note qui avait été publiée par Pascal Boniface en avril 2001». Et je poursuivais ainsi ma question à Valls : «[Boniface] développait à l’époque l’idée que les musulmans en France étant bien plus nombreux que les juifs, le PS devait critiquer davantage Israël, non parce que la cause était juste, mais faute de quoi les élections à venir risquaient d’être compromises… Qu’est-ce que vous pensez de ce rapprochement, de ce parallèle fait par vos amis ?». Acquiescement de Valls qui, deux jours plus tard, échoua face à Hamon. Mais surtout : cette question posée donc à l’antenne de Radio J’ a été à l’origine de la plainte pour diffamation publique avec constitution de partie civile déposée par Boniface contre moi le 13 février 2017 pour avoir, selon lui, dénaturé sa note.

Trois ans ont passé depuis le dépôt de cette plainte stratosphérique : de ma mise en examen automatique du 25 octobre 2017 au procès du 17 octobre 2017 devant la 17ème Chambre du TGI de Paris. Une audience de 9 heures, ce jour-là, conduisant la représentante du ministère public à répondre «3 fois non» aux accusations de Boniface contre moi. Premier non : ma question ne «portait pas atteinte» selon elle, «à l’honneur de la partie civile», à savoir Pascal Boniface. Deuxième non : la Procureure considérait que je n’avais pas fait «preuve de malhonnêteté intellectuelle» en formulant ma question. Enfin, troisième non : contrairement aux accusations de Boniface, je ne l’avais en aucun cas accusé d’être antisémite. La Procureure considérant que je m’étais contenté d’exercer mon «droit d’interprétation… lié à la liberté d’expression». 

Des réquisitions confirmées par le jugement de la 17ème Chambre le 23 janvier dernier. Boniface était ce jour-là débouté de sa plainte en diffamation. Ce qui en conséquence débouchait sur ma relaxe.  

En clair, une victoire. Oui, ma victoire mais surtout la victoire de la liberté d’expression, d’interprétation et de critiquer. 

Il est désormais permis de nommer un chat un chat, et d’analyser sa note d’avril 2001, consacrée à «l’efficacité électorale des positions du parti», comme la préconisation «de faire dépendre du seul poids numérique d’une communauté les orientations de la politique de la France au Moyen-Orient» selon la formule reprise par le Tribunal, ceci sans commettre la moindre diffamation.

Mes quatre témoins présents à l’audience (Jean-Marie Le Guen, Julien Dray, Pierre Schapira, Laurent Azoulai) et mon avocat Stéphane Lilti avaient pu brillamment démontrer que Pascal Boniface prônait à travers sa note une vision communautariste de la vie et du débat politiques.

Au-delà de ma personne, l’épilogue de cette affaire est doublement essentiel. 

D’une part,  il est heureux qu’un journaliste puisse en 2020 poser les questions de son choix à un ancien Premier Ministre sans risque de condamnation et qu’il puisse librement citer ou interpréter, sans encourir les foudres de la loi, tels ou tels ouvrages en librairie. Les monarchies du Golfe qui font habituellement appel aux services de l’IRIS, organisme présidé par Boniface, seront étonnées de découvrir cette curieuse spécificité démocratique bien française.

D’autre part, il serait impensable d’interdire un débat aussi important que celui du communautarisme en politique, dont Boniface a été le pionnier. C’est le premier membre des instances d’un parti politique de gouvernement, en l’occurrence le Parti socialiste, à avoir franchi ce pas. Boniface considérait que, compte tenu du poids électoral des deux communautés ou supposées telles, juive et musulmane, le PS se devait de réorienter sa ligne au Proche Orient en critiquant davantage Israël. 

Ce qui était nouveau dans cette note, c’est une vision électoraliste des rapports entre le PS et les communautés.

Une vision dangereuse dans la mesure où elle a conduit à antagoniser les juifs et les arabes, et dans la mesure aussi où cela importe le conflit israélo-palestinien en France, dans les quartiers, dans les écoles sur les lieux de travail, et dans les urnes.

D’où ce constat fait par Manuel Valls au Figaro Magazine du 6 octobre 2017 :

«Le Parti socialiste a toujours souffert d’une incapacité à mettre des mots sur la réalité, par peur de fâcher, de s’aliéner une prétendue « communauté ». La France n’est ni une addition de communautés, ni une mosaïque multiculturelle». Et il ajoutait «Pascal Boniface, dont les dérives sont connues – il s’est affiché dans le passé aux cotés d’individus comme Alain Soral – raisonnait en parts de marché électorales. Il conseillait de flatter un soi-disant « électorat musulman », bien plus « rentable » qu’un soi-disant « électorat juif »».  

Une vision communautariste du débat politique dont François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste en 2001, se souvient très précisément 19 ans plus tard.  «C’est pour cette raison, m’a-t-il confié le 10 octobre, que j’ai mis fin aux fonctions de Boniface au sein du PS. Il a fait des dégâts».

À travers sa note de 2001, Pascal Boniface a ouvert la boîte de Pandore du communautarisme en contribuant à importer le conflit israélo-palestinien sur la scène politique jusque dans les urnes. 

Boniface s’est comporté en «pompier pyromane».   

Une constante disposition d’esprit qui lui fait s’interroger sans vomir au sujet de l’assassinat antisémite d’Ilan Halimi : 

«De nombreux parents se demandent : en aurait-on parlé si la victime avait été mon fils». («La France malade du conflit israélo-palestinien» 2014).

Avec de tels défenseurs, les palestiniens n’ont pas besoin d’ennemis.

À moins que ce ne soit encore un coup du Mossad…