A lire, à voir, à écouter
|
Publié le 15 Octobre 2014

"Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu" jugé raciste aux États-Unis : ce n'est pas étonnant

Par Patrick Lozès, Militant associatif, publié dans le Nouvel Observateur le 14 octobre 2014

Le film "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" est jugé raciste par les Américains auxquels il a été soumis. Selon eux, le film conduira à des polémiques au pays de l’oncle Sam.

Quoi ?! Le film qui fait se tordre les Français et qui a attiré plus de 12 millions de spectateurs en France serait raciste et nous nous en délecterions tout de même ?

Les Français seraient-ils plus racistes que les Américains ? Les choses sont plus compliquées que cela.

On compare souvent les États-Unis et la France. On pourrait disserter longuement sur les dissemblances entre ces deux pays. En réalité, la France et les États-Unis sont plus semblables qu’il n’y paraît. Les fondateurs de ces deux Nations ont eu la volonté de les bâtir sur des valeurs universelles. Ces deux pays ont le même objectif final : parvenir à des sociétés aveugles à la couleur et plus généralement aveugles aux différences.

Or si les objectifs sont identiques, les positions de départ ne le sont pas et les moyens pour y parvenir ne le sont pas non plus.

Les Américains ne font pas l'impasse sur les différences

Les États-Unis ont connu sur une grande partie de leur territoire, une histoire ségrégationniste et différentialiste. La longue marche du mouvement américain des droits civiques n’a eu de cesse de dénoncer le honteux décalage entre l’idéal d’égalité et la réalité d’inégalité souvent consacrée par la loi.

En raison de cette histoire particulière, les États-Unis ne peuvent pas faire l’impasse sur les différences.

On y parle sans fard de noirs et de blancs, les communautés y sont reconnues et peuvent même bénéficier de droits spécifiques. Dans ce pays, la collecte de statistiques sur l'origine ethnique de la population est pratiquée pour appréhender les évolutions sociologiques, combattre les discriminations et orienter les politiques publiques afin de les adapter à la réalité sociologique.

La France a certes connu elle aussi un passé ségrégationniste ou différentialiste légal sur son territoire, mais sur une partie de son territoire : l’Outre-mer et les colonies. Cette césure entre la France métropolitaine et les autres parties du territoire est l’un des éléments explicatifs de l’incompréhension d’un large pan de la société française au sujet des luttes des minorités contre les discriminations.

Les Français redoutent les communautés

La République française refuse (officiellement au moins) de reconnaître certaines différences et craint leur empire.

La société française redoute l’existence des communautés. Elle les associe systématiquement au repli sur soi, quand bien même ces groupes ne se mobilisent que pour afficher un problème spécifique lié au racisme ou aux discriminations. Pourtant, les revendications des Noirs et des Arabo-Maghrébins de France ne relèvent en aucune manière du séparatisme.

Loin de vouloir se regrouper pour vivre ensemble et séparés de leurs autres concitoyens, ces groupes demandent au contraire à vivre dans les mêmes quartiers, dans les mêmes immeubles, à bénéficier des mêmes droits. C’est donc au nom des valeurs de la République que s’organise la revendication égalitaire des minorités françaises.

Ainsi, l’évocation des différences, des groupes ou des communautés n’a pas la même résonnance des deux côtés de l’Atlantique même si l’on y retrouve la même tension sur ces questions.

Dès lors, il n’est pas étonnant que les Américains soient rétifs à importer ex abrupto, un film qui appuie, même si c’est pour mieux les dénoncer, les clichés et les stéréotypes trop souvent accolés à tel ou tel groupe de population… Lire la suite.

Source: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1249652-qu-est-ce-qu-on-a-fait-...

CRIF