Une recension de Jean-Pierre Allali
L'auteur, archéologue, tente de répondre, de manière scientifique, en se référent aux fouilles effectuées par les spécialistes les plus confirmés et en faisant appel aux techniques les plus modernes et les plus élaborées, à une question qui taraude les esprits depuis des siècles : quelle est la part de vérité contenue dans la Bible ? Les personnages qui y sont décrits ont-ils réellement existé ? Les batailles et les guerres qu'elle nous raconte se sont-elles vraiment déroulées ?
Au fil des pages, on va de découverte en découverte, de surprise en surprise. On apprend ainsi que deux écoles s'opposent, les « minimalistes » ou tenants de l'« École de Copenhague », comme Niels Peter Lemche, Thomas Thompson, Keith Withelam et Philip Davies et les « maximalistes ». Pour les premiers, les éléments historiques contenues dans la Bible sont minimes. Pour eux, une grande partie de la Bible a été forgée par des auteurs de la période perse ( Vème siècle avant l'ère chrétienne). Pour les seconds, on l'aura compris, il convient d'accorder un crédit total au texte biblique, même si l'archéologie n'est pas toujours en mesure de leur donner raison.
L'auteur, au fil des pages, examine les cas les plus emblématiques rencontrés, au cours des siècles, par les archéologues qui ont fouillé et exploré le Proche Orient, notamment la terre d'Israël.
Il nous explique les techniques nouvelles utilisées, montrant que la science vient de plus en plus au secours de l'archéologie. Si la pelle et la pioche continuent d'être utiles, bien des techniques révolutionnaires ont fait leur apparition. Elles ont pour noms : la datation par le carbone 14, la datation par la céramique, la stratigraphie, l'exploration verticale et l'exploration horizontale, la séparation en bermes, le magnétomètre, le radar de sol, la mesure de la conductivité électrique, la photo par satellite, les compteurs de résistance électrique, l'épigraphie, la photographie à l'infra-rouge, l'usage de la fibre optique, la composition micromorphologique, la pétrographie ou encore l'examen isotopique.
Des anecdotes agrémentent l'ouvrage. On découvre ainsi que le pionnier de l'archéologie biblique ne fut pas un professionnel, mais un pasteur américain, Edward Robinson, né en 1794, qui aura été tout à la fois pasteur congrégationniste, bibliste et explorateur, que le fameux Lawrence d'Arabie, interprété au cinéma par Peter O'Toole, était en réalité un archéologue diplômé d'Oxford, qui se servit de sa profession comme couverture pour des relevés militaires, que l'historien Flavius Josèphe, qui raconte, par la menu, dans se écrits, la chute de Massada, n'était pas présent sur les lieux mais qu'installé confortablement à Rome, il utilisa les archives militaires du général romain Flavius Silva auxquelles il eut accès. L'auteur consacre également plusieurs pages aux escroqueries les plus extraordinaires qui ont agité le monde de l'archéologie au cours des années.
On sera étonné du nombre impressionnant d'archéologues israéliens. Aux précurseurs qu'auront été Éliezer Sukenik et son fils, le fameux général Ygael Yadin, ont succédé des dizaines de savants israéliens reconnus et appréciés dans le monde entier.
Les questions qui se posent aux spécialistes comme au grand public sont innombrables. Par exemple : « Y a-t-il eu un homme nommé Abraham qui est parti de Mésopotamie vers Canaan ?» , « Les Hébreux ont-ils séjourné en Égypte ? » , « Josué a-t-il pris Jéricho ? », « David et Salomon ont-ils bien existé ? » ou encore : « Où Jésus a-t-il été enterré ? ».
Pour nous mettre en appétit, en quelque sorte et en préambule de l'ouvrage, un tableau impressionnant permet d'apprécier l'éventuelle concordance entre les données archéologiques et les récits bibliques. Certaines sont déclarées inexistantes comme la présence de Josué à Jéricho (-1550) en contrepoint des fouilles effectuées dans cette ville, d'autres incertaines, comme l'incendie de la cité de Hatsor par les Israélites ( XIIIème siècle avant JC) à la suite des fouilles sur ce site en Israël et d'autres encore, probables comme l'attaque de Juda et de Jérusalem par le pharaon Shishaq (-925) si l'on se réfère à un fragment de stèle découvert à Meggido.
La plupart, toutefois, des données citées, ont une réponse positive , ce qui est réconfortant comme l'existence de divers souverains juifs, comme Achab (-853), Jéhu (-841), Ezéchias ( VIIIème siècle avant JC) et même David ( IX ème siècle avant JC). Cependant, comme le rappelle l'auteur, en conclusion : « Ces techniques confirment parfois le récit biblique, parfois non. Mais ce n'est pas le rôle de l'archéologie de prouver ou réfuter la Bible. Elle ne peut que tâcher de faire revivre la culture matérielle des pays de la Bible sur plus de deux mille ans. Rien que cela est fascinant pour les gens de la profession et le grand public ».
Passionnant.
Note :
(*) Éditions Albin Michel. Traduit et adapté de l'anglais par Mireille Hadas-Lebel. Septembre 2015. 160 pages. 8,10 euros.