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Publié le 4 Juin 2013

Un chroniqueur saoudien : les religieux ont corrompu l´esprit des jeunes avec une idéologie violente et sanguinaire

MEMRI Middle East Media Research Institute - Special Dispatch n° 5306

 

Dans un article paru dans le quotidien saoudien Al-Jazirah, le chroniqueur Abd Al-Aziz Al-Samari critique la société arabe en général et la société saoudienne en particulier, estimant qu´elles bannissent la diversité d´opinion et considèrent tous ceux qui expriment des vues divergentes comme des ennemis. Et d’ajouter que certaines autorités religieuses saoudiennes prêchent l´extrémisme et corrompent les esprits des jeunes avec une idéologie violente et sanguinaire. Il appelle les autorités saoudiennes à purger les programmes scolaires de tout contenu extrémiste, et à remplacer les méthodes actuelles d´éducation, basées sur un endoctrinement rigide, par un programme culturel favorisant le pluralisme et le respect d’autrui.

Ci-dessous quelques extraits de l’article : [1]

                                           

« [...] Nos débats politiques et religieux, culturels et sociaux, indiquent que les Arabes ne respectent que leurs propres opinions, et considèrent autrui comme un ennemi qu’il faut réprimer à tout prix. Ceci est vrai pour tous les courants [du monde arabe], et devient plus manifeste dans les pays où les révolutions du [printemps] arabe ont eu lieu. [Dans ces pays], tous ont chanté le refrain de la liberté. Toutefois, [ils ne parlaient pas vraiment] du genre de liberté prônée par la pensée humaniste à travers les âges, mais plutôt de la liberté limitée par ceux [qui se trouvent] au pouvoir.

 

« Parfois, je m’interroge sur le langage utilisé par les personnes qui veulent rejeter l’opinion d’autrui. Elles [essayent de] surprendre par une question que l’on entend souvent dans notre société : ‘Mon frère, pourquoi n´écris-tu pas sur des choses que tu connais, et non des choses qui relèvent du domaine d’expertise d’autrui ? Par cette question, ils entendent... nier à autrui le droit de réfléchir [par lui-même] et de débattre de toute question d´intérêt public, dans n´importe quel domaine. [Mais le fait est que] toute personne a le droit d´écrire et d´exprimer son opinion sur toute question d´intérêt public, et tout le monde a le droit d´exprimer un avis opposé, sans contraintes, tant qu´il s´abstient de nuire à ceux auxquels il s´oppose.

 

« Je crois que les sociétés plus du nord jouissent d’une plus grande tradition de débat et de pluralisme que [les sociétés] de la péninsule Arabique. Pour la raison que l´âge d´or [de l’histoire] arabe et musulmane a fait l´impasse sur les populations de la péninsule Arabique, pour des raisons géographiques et en raison du caractère monolithique de notre pensée religieuse. Cela dit, les sociétés du nord souffrent [aussi] d’un extrémisme relatif qui limite la démocratie, le pluralisme et la tolérance envers autrui. Ce qui se passe [actuellement] en Égypte et en Tunisie est la preuve vivante du rejet de la tolérance par les Arabes et de leur désir de contrôler la pensée des gens. [Mais] je crois que, dans la société saoudienne, la résistance à la diversité d´opinion... est encore plus forte, et que c´est l´un des plus grands dangers pour l´avenir de la patrie. Mon expérience pas-si-limitée dans l’écriture et l’expression de mes opinions m´apprend que la société saoudienne est encore rigide dans sa pensée et non réceptive face à la diversité – reflétant une tradition profondément ancrée d´exclusion et d´extrémisme.

 

« Nous sommes confrontés à un grave danger qui pourrait conduire à la catastrophe. Le danger d´endoctrinement dans les écoles et les rapports [biaisés] des médias ne peuvent être surmontés que par un programme culturel à très grande échelle. Nous n´avons d´autre choix que de repenser les méthodes éducatives [des jeunes] par un endoctrinement dogmatique. L´une des conséquences [de cette méthode] est le terrorisme religieux, qui est une expression radicale [des visions qui] excluent autrui et peut conduire à la tuerie et à l’assassinat. C´est une erreur de penser que la culture de l´exclusion et de l´extrémisme nous vient de l´étranger. C´est [une tentative] pour nous soustraire de notre responsabilité envers notre société. Nous n´avons d´autre choix que de prendre conscience que l´esprit des Saoudiens est saturé par une opposition profonde à la diversité des opinions, à tel point que certains n´hésitent pas à menacer quiconque est en désaccord avec eux.

 

« Le fait de croire au droit d´expression d´opinions dissidentes est une valeur qui a des implications importantes que nous devons comprendre. Comme des religieux, penseurs et philosophes éclairés l’ont souligné, cela signifie que chacun a le droit de façonner son identité ou d´exprimer sa singularité, et la majorité doit respecter l´opinion de la minorité plutôt qu´imposer ses vues. Nous devons mettre en exergue les nobles idées apprises de nos ancêtres, [à savoir] que la [culture] arabe n´est pas raciste, mais que c´est [une culture] qui s´exprime par la langue arabe, la religion musulmane et la pensée humaniste... Dans leur âge d´or, les musulmans respectaient un large éventail d´opinions. C´était l´une des caractéristiques de leur glorieuse [culture] avant qu´elle ne soit détournée par des extrémistes dans ses années de déclin.

 

« ... Une part de la responsabilité [de cette situation] incombe au ministère de l´Éducation. Ses fonctionnaires doivent développer les programmes scolaires, modérer le ton extrémiste et sectaire de notre programme scolaire [actuel], qui s´oppose à l´approche humaniste, et entrer dans une nouvelle ère où les élèves apprendront à respecter les autres cultures. De plus, je charge certains religieux qui, jusqu´à récemment, ont prêché l’extrémisme de s´excuser auprès de la société pour l´extrémisme qu´ils ont défendu ces dernières décennies. [Pendant des années,] ils ont corrompu les esprits de nos jeunes avec une idéologie violente et sanguinaire. Ensuite, ils ont quitté les cercles de l´extrémisme et ont gagné honneur et gloire, sans être tenus pour responsables de ce qu´ils avaient fait à notre pensée religieuse. Par ailleurs, il est important de faire connaître les [cas d’] extrémistes incarcérés qui ont renoncé à [leurs opinions extrémistes], afin que la société tout entière connaisse ce [phénomène] et lui apporte une dimension culturelle, comme cela s´est produit en Égypte, où des livres ont été publiés et des dialogues entamés, lesquels ont porté atteinte à l´extrémisme au sein de la société égyptienne. [2]

 

Notes :

 

[1] Al-Jazirah (Arabie Saoudite), le 18 février 2013.
[2] Probablement une référence à l’organisation djihadiste égyptienne Al-Djamaa Al-Islamiya qui, en 1997, déclarait officiellement avoir mis un terme à toutes ses opérations armées à l´intérieur et à l´extérieur de l’Égypte et à toute incitation à commettre des attentats. Quelques années plus tard, ses dirigeants ont également publié un certain nombre de livres et d´articles où ils renonçaient à leur idéologie de violence. Voir Enquête et analyse de MEMRI n° 309,
The Al-Gama´a Al-Islamiyya Cessation of Violence: An Ideological Reversal, 22 décembre 2006.

 

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