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Publié le 29 Mai 2012

Tunisie : des caricatures de Mahomet en procès

Article du Point du 25 mai 2012, préface de Jean Corcos

 

C'est une information qui vient confirmer, hélas, tous les échos que nous recevons de Tunisie ces derniers mois : après la révolution de janvier 2011, tout le monde espérait que ce pays, le plus évolué du Monde arabe et théâtre de sa première révolution, serait un laboratoire de la démocratie et du progrès. Au lieu de quoi, et fort simplement d'une majorité relative des électeurs, le parti islamiste Ennahda transforme peu à peu le pays en théocratie obscurantiste.

 

 

lentement mais sûrement la peur s'installe chez nos amis de Tunisie les plus ouverts et les plus tolérants

On lira ci-dessous l'article paru dans le journal "Le Point", et qui relate la mésaventure survenue à un jeune homme condamné à 7 ans et demi de prison, pour le "crime" d'avoir publié, sur sa page Facebook, des caricatures du Prophète Mahomet : lisez bien ce que dit son avocate pour sa défense : "Jabeur Mejri n'est pas un athée au sens idéologique du terme, c'est plutôt un jeune désespéré qui a commis un geste suicidaire"  : autrement dit, l'athéisme est maintenant devenu un acte délictueux en Tunisie, et il ne faut surtout pas s'en réclamer ! On croit rêver, et cela se passe à une heure d'avion de la France ... À noter aussi, pour être complet, que les lois permettant cette condamnation dataient de l'ère Ben Ali, mais que la répression qui s'en réclame est devenue maintenant bien plus redoutable.

 

Pendant ce temps, et alors que, lentement mais sûrement la peur s'installe chez nos amis de Tunisie les plus ouverts et les plus tolérants, la justice - qui peut avoir la main si lourde - se fait bien discrète, lorsque d'autres violations de la loi, pourtant bien plus graves, s'accumulent au fil des mois : menaces de mort contre la minuscule communauté juive ; occupation par des "barbus" et des femmes en niqab, de la Faculté de La Manouba ; drapeau tunisien arraché et remplacé par l'emblème des salafistes dans cette même faculté (le responsable n'a été condamné qu'à 6 mois de prison avec sursis) ; agressions contre des journalistes, le directeur d'une chaîne de télévision et d'innombrables citoyens du pays ... il suffit de lire cette synthèse remarquable, parue le 17 mai dernier sur le site "Kapitalis" - lire sur ce lien.

 

Jean Corcos

 

"Un jeune Tunisien condamné fin mars à sept ans et demi de prison pour avoir publié des caricatures du prophète Mahomet sur sa pageFacebook doit comparaître en appel lundi devant le tribunal de Monastir (est) et demandera un geste de clémence, a indiqué à l'AFP son avocate. "Jabeur a demandé la clémence du juge, et nous allons pour notre part réclamer une expertise médicale sur son état psychiatrique", a expliqué vendredi Bochra Belhaj Hmida, une avocate connue qui s'est saisie de l'affaire et espère que son client repartira libre à l'issue du procès en appel.

 

Jabeur Mejri, originaire de Mahdia, une ville côtière tunisienne, est incarcéré depuis plus de deux mois. Le jeune homme a été condamné le 28 mars à sept ans et demi de prison pour "trouble à l'ordre public, préjudice causé à des tiers à travers les réseaux publics de communication et atteinte à la morale". Il avait publié sur sa page Facebook des caricatures du prophète Mahomet.

 

Un autre jeune de Mahdia, Ghazi Béji, condamné à la même peine, est de son côté en cavale en Europe. Il a publié pour sa part un "livre" sur Internet intitulé "L'illusion de l'islam".

 

"Un geste suicidaire"

 

"C'est une condamnation beaucoup trop lourde, nous estimons qu'il n'y a pas de troubles à l'ordre public dans cette affaire", a estimé Me Belhaj Hmida, soulignant la très faible notoriété de la page Facebook où les caricatures - jugées "choquantes", y compris par les défenseurs du jeune homme - ont été publiées.

 

Jabeur Mejri "n'est pas un athée au sens idéologique du terme, c'est plutôt un jeune désespéré qui a commis un geste suicidaire", a-t-elle ajouté, alors que le tabou de l'athéisme, dont sont soupçonnés les deux jeunes, pèse lourd dans le silence entourant cette affaire en Tunisie. "Jabeur a commis un geste de folie. C'est le chômage et l'isolement qui lui ont fait faire ça", a déclaré à l'AFP sa soeur Inès, évoquant un frère "incapable de comprendre ce qui lui a pris".

L'affaire avait été révélée par des blogueuses tunisiennes début avril. L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch avait demandé l'abrogation des lois datant de l'ère Ben Ali qui ont permis la condamnation des deux jeunes."

 

http://www.lepoint.fr/monde/tunisie-des-caricatures-de-mahomet-en-proces-25-05-2012-1465146_24.php