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Publié le 21 Janvier 2016
Roger Cukierman : "Il faut se battre là où on est"
Propos recueillis par Jean-François Clerc, entretien publié dans les Dernières Nouvelles d'Alsace le 21 janvier 2016
Selon le ministre de l’Intérieur, les actes antisémites ont diminué de 5 % en 2015, mais restent élevés (806). Quels sont-ils ?
Depuis 2000, les actes antisémites augmentent en termes de nombre et de gravité. Nous en avions une centaine par an en 1998-1999. Ces dernières années les chiffres sont compris entre 500 et 1 000. Même si les violences aux personnes restent minoritaires, les actes antisémites sont plus violents. Je pense également aux actes meurtriers des djihadistes, à la tuerie de 2012 devant l’école juive de Toulouse. Nous étions les sentinelles, l’avant-garde de ce qui est en train de se passer aujourd’hui ».
Combien de juifs français sont partis l’an dernier en Israël ?
En 2015, 7 900 personnes sont parties en Israël contre 7 000 en 2014, 3 000 en 2013 et 2000 en 2012 pour une communauté de 500 000 juifs en France. Ces départs ne traduisent pas une peur, les dangers en Israël sont au moins égaux, mais s’expliquent par un sentiment d’atteinte à la citoyenneté. Par un sentiment d’être des citoyens de deuxième zone, d’être mis à part de la nation, alors que les juifs sont des citoyens français depuis 1791. Les attaques terroristes de novembre peuvent changer les choses. C’est la France tout entière qui a été attaquée et les musulmans dans le monde sont les premières victimes des djihadistes… Je n’ai pas d’information sur le nombre de juifs partis en Israël qui reviennent en France, mais il y a des retours. Si vous ne parlez pas la langue, la transplantation culturelle est compliquée ; il y a également des déceptions… Il faut se battre là où on est. Le premier ministre Manuel Valls a dit que « la France sans les juifs n’est plus la France ».
Y a-t-il des crispations identitaires dans toutes les religions ?
J’ai le sentiment d’un renforcement du religieux dans toutes les religions, mais il ne faut pas que cela dérive sur de l’extrémisme. André Malraux disait que « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ». Personne n’imaginait cela à l’époque. De plus en plus de juifs se tournent vers la religion, on constate un repli sur soi, mais ce communautarisme nous est imposé. Seul un tiers des enfants juifs sont scolarisés dans des écoles publiques, ce n’est plus comme autrefois. Des familles déménagent pour se rapprocher de la communauté. C’est un des effets des violences, mais le communautarisme n’est pas bon pour le vivre ensemble… Il y a aussi des évolutions positives. Le nouveau président du CFCM [Conseil français du Culte musulman], Anouar Kbibech, est un homme ouvert, qui veut avancer.