Chaque année, à l'occasion du Dîner annuel, le Crif publie sa Revue annuelle. Elle s'ouvre par un éditorial du Président du Crif, qui dresse le bilan des activités du Crif de l'année écoulée et des enjeux auxquels la France a pu être confrontée.
Revue annuelle du Crif 2020 - Edito du Président du Crif Francis Kalifat
"L’engagement du Crif, un engagement profondément républicain."
Nous vivons une époque troublée, caractérisée par un manque évident de repères, un délitement du lien social, un discrédit des politiques, des journalistes, du monde syndical et associatif. Ajoutons à cela que notre monde est de plus en plus anxiogène. Les peurs sont nombreuses et caractérisées (environnement / pollution, insécurité / violences, chômage / paupérisation, immigration / atteinte à la laïcité, terrorisme…). Cependant, nous savons que tout ne peut pas toujours venir d’en haut. Chacun d’entre nous peut contribuer à améliorer les choses, participer au bien être de notre pays, tenter d’apaiser les coeurs et les esprits. C’est pour cela qu’au Crif, nous croyons en l’engagement. Car l’engagement régénère, améliore, construit, forme, diffuse et rend meilleur. Et, il est éminemment républicain.
Pourtant, les tâches qui incombent aux responsables communautaires ne sont pas des plus aisées. Au lendemain des commémorations du 75e anniversaire de la libération des camps de la mort, nous aimerions pouvoir dire que l’antisémitisme est éradiqué, qu’il est définitivement banni de nos sociétés. Malheureusement il est toujours présent avec son cortège de préjugés, de haines et de violences. En 2019, comme chaque année depuis 2000, nous avons dénoncé pêle-mêle, les théories conspirationnistes et la propagande antisémite distillée par la nébuleuse complotiste ; l’antisémitisme effrayant qui se propage sur les réseaux sociaux et sur l’Internet ; les puissants stéréotypes et les préjugés -parfois moyenâgeux et assassins- qui accablent les juifs et qui sont largement répandus dans la société française : les juifs et le pouvoir, les juifs et l’argent, les juifs et Israël, les juifs et les médias, les juifs ne sont pas vraiment des Français comme les autres…
Avec d’autres le Crif alerte sur la radicalisation, le fondamentalisme et l’islamisme dont on sait la menace qu’ils représentent pour les Juifs et pour la France. Mais, le Crif combat aussi les instrumentalisations diverses et les appels à la haine de l›ultra droite et de l’ultra gauche. Toutes ces atteintes, toutes ces menaces, toutes ces violences se déroulent encore dans un contexte où l’antisémitisme et l’antisionisme ont conquis un droit de cité planétaire.
Après une année 2018 terrible avec une hausse de 74%, les actes (actions violentes et menaces) à caractère antisémite ont encore en 2019, augmenté de 27%. Le constat est implacable, la haine antisémite continue de gangréner notre société. Comment ne pas penser ici, à Sarah Halimi, assassinée chez elle par un voisin, au cri « Allah ou Akbar ». Nous attendons avec angoisse et inquiétude mais aussi avec confiance la décision de la cour de cassation, car il ne peut y avoir de droit sans justice et comme pour toutes les victimes justice doit être rendue à Sarah Halimi. Ses enfants et sa famille sont à ce stade, privés du procès indispensable au travail de deuil. Mais aussi la France toute entière, d’un nécessaire procès de l’antisémitisme islamiste. La France a besoin de ce procès pour faire son chemin dans sa longue lutte contre l’antisémitisme.
Dans ce panorama particulièrement inquiétant, se révèlent des indignations sélectives et obsessionnelles. Elles se fixent sur le seul Etat Juif, voué par ses détracteurs et ses ennemis à la disparition, à l’anéantissement complet. Des individus, des mouvements, des groupes, sont animés par un sentiment d’hostilité à Israël plus ou moins diffus. Ils veulent faire d’Israël, la cause de tous les maux nationaux ou internationaux. Ils reprennent les accusations et les stéréotypes contre les Juifs en les projetant sur Israël. Dans ce contexte nous avons accueilli avec satisfaction, le vote le 3 décembre dernier, par l’assemblée Nationale de la proposition de résolution de l’IHRA, Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste, visant à lutter contre toute les formes de l’antisémitisme, assimilant notamment les diverses expressions de la haine d’Israël à de l’antisémitisme.
Lorsque le Crif alerte, dénonce ou exprime une inquiétude, il le fait certes au nom des Français juifs mais dans l’intérêt de tous car l’enjeu n’est pas seulement celui des Français juifs mais la République ! Car à travers l’antisémitisme, c’est aussi la République et ses valeurs que l’on vise. C’est l’universalisme républicain que l’on menace. Derrière ceux qui haïssent les juifs on retrouve souvent ceux qui haïssent la France et la République. De notre côté nous ne céderons rien des valeurs que nous portons et que nous défendons. C’est le sens de notre engagement au Crif, car c’est aussi celui de l’amour de la France et de l’attachement aux valeurs républicaines.