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Publié le 27 Novembre 2014

Pour Nelly Hanson

Par Jacques Tarnero

Nelly Hanson vient de nous quitter et cette nouvelle me plonge dans un grand désarroi et une immense tristesse. Nelly était une femme honorable et dans la ce que l’on nomme la communauté juive elle va singulièrement faire défaut. Je l’ai connue à la fin des années 70 quand dans l’air du temps commençait à fleurir une droite extrême qui se nommait Nouvelle Droite. Immédiatement nombreux furent ceux qui reniflèrent de vieilles effluves brunâtres dans de salmigondis idéologique remis au goût du jour. 

Nelly était une fine observatrice de l’air du temps et elle était toutes antennes dehors pour voir ce double ennemi : les néo-fascistes, mais aussi les amis perdus de notre ancienne jeunesse. Ceux avec qui on avait fait le rêve de changer le monde. Certains étaient partis en Israël par idéal sioniste ET révolutionnaire. Par la bonne fée Lutte de classe, les masses laborieuses juives et arabes allaient fraterniser pour construire l’avenir radieux Israël. Nous nous sommes retrouvés à Paris dans un présent déjà moins radieux quand la bombe explosa rue Copernic en octobre 1980. Et puis, quelques mois plus tard, il y eut cette déclaration stupéfiante sur Europe 1 d’un inconnu qui affirmait que les chambres à gaz n’avaient pas existé et que c’était un mensonge juif. Alors il nous vint l’idée qu’il fallait y regarder de très près. Avec l’aide d’André Wormser, d’Adam Loss et de Pierrot Kauffman il fut décidé de créer une structure commune au CRIF, au FSJU, au CJM et IJA (Institute au Jewish Affairs), baptisée le CERAC (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Antisémitisme contemporain). Nous y avons travaillé pendant quatre ans repérant tous les méchants, les voyous et les imposteurs déjà bien nombreux, à droite et à gauche. Il faut croire que nos efforts ne furent pas vains puisque l’antisémitisme ne s’est jamais aussi bien porté. Nelly avait l’autodérision jubilatoire et je pense qu’elle aurait fait sienne cette remarque désolée. Elle avait cette nostalgie de l’Israël des fondateurs, des pionniers en chemise blanche à col ouvert et de la répulsion pour les nouveaux Juifs bling-bling à la fortune tapageuse. Elle avait le souci d’Israël, elle avait une certaine idée d’Israël autant qu’une certaine idée de l’excellence juive à laquelle elle a contribué quand elle pilotait la Fondation du Judaïsme français. Les temps ont changé. La communauté juive a changé. Les hommes et les femmes issues de la guerre, de la Résistance, les survivants, les héros anonymes s’évanouissent. Nous admirions leur dévouement, leur engagement, leur fidélité et quand je retrouve Ady Steg, Jacqueline Keller, Théo Klein, Gérard Israël je me dis que les graines semées ne le furent pas en vain quand c’est une Nelly Hanson qui prit le relais. Pour ses fils, pour son compagnon Svante, cette perte est irremplaçable. Pour nous aussi.