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Il semble, à ce que je sais, que votre décision a été prise à la demande du Groupe arabe auprès de l’UNESCO qui a considéré qu’une telle exposition ferait du tort aux négociations de paix et aux efforts déployés par le Secrétaire d’État américain John Kerry et nuirait à la neutralité de l’UNESCO.
J’ai personnellement du mal à croire qu’annuler une exposition culturelle au siège mondial de la Culture et de la Science sert la paix et favorise les négociations de paix en cours. C’est pour le moins préjuger du contenu de cette exposition et c’est sûrement introduire une difficulté de plus dans ces négociations. Cette annulation peut être perçue comme un boycott et donc à une prise de position politique. En Tant qu’écrivain, j’ai la faiblesse de croire que c’est la libre expression qui sert la paix, c’est la confrontation des idées, c’est le dialogue avec l’Autre, et en tant qu’algérien, je sais combien l’absence de démocratie dans nos pays arabes empêche la paix et nourrit la violence. Éteindre le feu dans sa maison est, me semble-t-il, plus urgent que d’aller combattre des expositions culturelles à l’autre bout du monde.
C’est avoir une vision étriquée de la neutralité d’une institution que de demander à celle-ci de ne rien faire avec l’Autre. La neutralité ne veut rien dire, une institution comme l’UNESCO n’a pas à être neutre, elle doit tout donner à voir, les expositions des uns et des autres, les croyances et les cultures des uns et des autres. C’est par là qu’un dialogue tenant compte des réalités des uns et des autres peut s’établir et être profitable.
Le Groupe arabe peut aujourd’hui fêter sa victoire, il a fait annuler une exposition au motif que c’est l’exposition de l’Autre et il donne ainsi à entendre que l’UNESCO, enfin objective et neutre, est acquise à sa cause. On aimerait maintenant l’entendre sur les dénis démocratiques qui se passent dans leurs propres pays et qui, ces trois dernières années seulement, ont fait quelques centaines de milliers de morts.
Je suis désolé, Madame la Directrice générale, de voir votre nom associé à une affaire qui finalement cause du tort à tout le monde.
Je vous prie de croire en l’assurance de ma haute considération.
Boualem Sansal