Par Jacky Mamou, président du collectif Urgence Darfour, publié dans le Monde le 29 janvier 2016
La France doit demander d’urgence la mise à l’ordre du jour, au Conseil de sécurité, de la situation au Darfour. En effet, depuis plusieurs semaines, l’armée soudanaise y mène une offensive meurtrière pour les populations. Et, jusqu’à maintenant, dans l’indifférence générale. L’aviation soudanaise bombarde sans discontinuer le plateau montagneux Jebbel Marra, provoquant de nombreuses victimes civiles. La communauté internationale doit alors faire cesser ce pilonnage aveugle.
Après avoir encerclé la région, l’objectif de Khartoum, la capitale du Soudan, est de la vider de tous ses habitants pour asphyxier le mouvement rebelle qui y possède ses bases. Aucun accès humanitaire n’est possible et les civils sont privés de soins et d’approvisionnement extérieurs. Les ONG se sont retirées ou ont été expulsées. Il n’y a de ce fait aucun témoin impartial sur le terrain. Les Nations Unies ne peuvent laisser sans secours ces masses de personnes en détresse.
La technique militaire est toujours la même : une fois que les bombes venues du ciel ont frappé les villageois, les milices du régime tuent, violent, pillent et les rescapés ou les habitants des villages voisins fuient en masse. En quelques jours, selon la responsable des affaires humanitaires au Soudan Marta Ruedas, 34 000 personnes ont été déplacées de force. Plusieurs villages ont été attaqués, brûlés, détruits. La France doit demander une mission d’enquête sur le terrain.
La mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (UNAMID en anglais), cette force hybride de l’ONU et de l’Union Africaine, se contente de regarder. 15 000 habitants de la région se sont installés à proximité de leur base au Darfour. Mais des dizaines de milliers d’autres ne bénéficient d’aucune protection. Cette force n’a pas brillé par son efficacité à protéger les civils pour le moment.
Pire encore, en 2013, sa porte-parole Aïcha Elbasri avait démissionné avec fracas en dénonçant, preuves à l’appui, la collusion entre cette force internationale et le régime de Khartoum. Mme Elbasri est considérée comme une lanceuse d’alertes au sein de l’ONU. Ses déclarations et les documents qu’elle a publiés démontrent qu’une véritable organisation de dissimulation des crimes de Khartoum est à l’œuvre. Il s’agit de nier les exactions commises à l’encontre des civils, ou de les minorer. L’enquête interne des Nations Unies suite aux accusations de Mme Elbasri n’a pas franchement abouti. Mais il suffit d’interroger des rescapés du Darfour pour être persuadé que l’UNAMID passe plus de temps à se protéger elle-même contre des attaques de milices pro-gouvernementales, que d’agir auprès des populations civiles.
La presse est quasi muette sur ces attaques. Contrairement à d’autres régions du monde, les reporters ne sont pas sur place et il y a peu - ou pas - d’images. Le sujet semble passé de mode et il suscite peu d’intérêt au sein des comités de rédaction. L’inaction de la communauté internationale a encouragé le gouvernement soudanais à continuer ses crimes à grande échelle. Le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) avait annoncé devant le Conseil de sécurité l’année dernière que, du fait du manque de coopération des pays membres, elle gelait les enquêtes sur les agissements des dirigeants soudanais...
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