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Publié le 28 Août 2015

La culture, pas le boycott

Pour tout professionnel de la culture, il est un mot qui fait horreur: boycott.

Par Lionel Choukroun, Producteur de Tel Aviv-sur-Seine, publié dans le Huffington Post le 21 août 2015
Et pourtant, cet été, en France, avec Tel Aviv sur Seine, en Espagne, lors d’un festival de reggae, et en Norvège hier, pour le festival « Human Rights, Human Wrongs », nous assistons à la prise en otage devenue systématique des manifestations culturelles pour servir une cause honorable – la cause palestinienne – mais cherchant à user d’un procédé inacceptable, le boycott culturel.
On peut bien évidemment discuter du bien fondé de toute politique, de l’opportunité de tout projet, critiquer un gouvernement pour ses agissements. Mais il est bien un domaine dans lequel le boycott ne devrait pas tenir lieu de politique, c’est bien la culture. Celui-ci, comme celui qui concerne le champ universitaire ou scientifique, sont sans doute les versants les plus insupportables de l’idée même de boycott : refuser le dialogue des cultures et des savoirs.
Comment les tenants d’une paix – donc d’un accord entre deux parties en conflit – peuvent-il brandir sans cynisme et sans ironie l’arme du boycott pour empêcher le dialogue et la rencontre sur le terrain culturel ? C’est bien là la force de la création artistique, nous frotter à ce qui pique, ce qui émeut, ce qui repousse, ce qui nous est étrange ou étranger. Ce qui nous oppose même.
La Chine ou la Russie – pour ne prendre que ces deux exemples – ont été accueillies en France pour des années culturelles croisées. Le cinéma iranien est largement soutenu par nos fonds de soutien au cinéma du monde. Malgré les options politiques qui nous séparent et les décisions contre lesquelles la France a pu s’élever, ce sont là de formidables appels à la rencontre, des opportunités de confrontation à l’autre.
Alors que les artistes sont bien souvent – et c’est notamment le cas pour l’écrasante majorité de la scène culturelle israélienne – les premiers à critiquer, refuser, s’insurger, dénoncer les politiques de leurs pays, ces mêmes artistes s’en retrouvent à leur corps défendant les ambassadeurs commis d’office.
Pour avoir refusé de prendre position sur la création d’un état palestinien, un festival espagnol a annulé la participation du chanteur reggae Matishyau, citoyen américain. Malgré la rétractation de ce festival, cet exemple donne une illustration nouvelle de l’insupportable politisation du champ culturel. Subordonner la participation d’un artiste à une prise de position politique, le réduire malgré lui à une nationalité, un parti, une religion, c’est vouloir l’entrainer dans le dogme alors qu’il n’est que création, c’est le contraindre alors qu’il n’est qu’indépendance. En somme, c’est le nier en tant qu’artiste... Lire l'intégralité