Actualités
|
Publié le 17 Février 2014

IV Convention du CRIF Marseille Provence

Dimanche 26 janvier 2014

 

Les thèmes de la IVe Convention régionale n’ont pas été choisis au hasard et, comme le précisait Roland Elbez, Président de la Commission « Vigilance » dans son introduction, l’antisémitisme et la montée des Populismes ont été débattus à chaque convention, signe des temps, alors que les crimes de haine contre les juifs que l’on croyait, à tort, disparus à Auschwitz, resurgissent.

Marie Claire Sfadj a animé la première table ronde. Expert des Droits de l’Homme auprès des Nations Unies, de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe, Gérard Fellous, s’est appuyé sur les statistiques du rapport de l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’UE pour nous démontrer ce que nous savions déjà, hélas, c’est-à-dire que la montée de l’antisémitisme dans les pays européens s’aggrave, en Belgique, en Suède, en Hongrie, et en France. Les causes avancées englobent  l’émergence de l’Islam radical, l’extrême gauche antisioniste, la montée des partis populistes et le transfert du conflit israélo-arabe.

Sur ce dernier point, Serge Cwajgenbaum, Secrétaire Général du Congrès Juif Européen et Jean Yves Camus, politologue et chercheur à l’IRIS, ont été en léger désaccord avec Gérard Fellous, rappellant que « s’il y a eu des pics d’antisémitisme lors de la seconde Intifada ou lors de Plomb Durci, il y en a aussi lorsqu’il ne se passe rien au Moyen-Orient ». « On ne relève pas d’automatismes, il existe un fonds antisémite, les acteurs antisémites sont nouveaux, mais les préjugés et les stéréotypes sont les mêmes », ont-ils ajouté.

Serge Cwajgenbaum a souligné : « ce qui me préoccupe c’est ce constat : le malade reste malade. Nous n’avons pas d’explications, l’antisémitisme est irrationnel par essence, alors que faire ?... Notre réconfort c’est de voir que l’antisémitisme ne prend pas forme d’État et que les pouvoirs publics européens réagissent avec fermeté… L’exemple du Ministre de l’Intérieur français Manuel Valls doit être encouragé ».

Serge Cwajgenbaum a incité chacun de nous à voter lors des élections européennes, car le parlement européen est très influent, la montée des eurosceptiques et des partis extrêmes peut affecter la démocratie européenne et conduire, comme cela a été fait il y a peu, à la résolution votée contre la circoncision, apparentée à tort à l’excision.

Revenant sur le problème de l’antisémitisme, Jean-Yves Camus a opposé deux phénomènes : « l’expression de la liberté religieuse, considérée par la gauche comme archaïque et comme une menace contre la République, et la liberté d’expression, qui n’est pas de dire n’importe quoi, mais qui doit respecter la loi et ne pas la transgresser (ex : Dieudonné)». La seconde constatation du politologue était celle d’« Une Europe en panne, sans vrai projet, qui fait quoi ? Vers quoi allons-nous? Vers un projet fédéral ? Les institutions européennes ressemblent à un millefeuille incompréhensible pour la plupart des Européens».

Serge Cwajgenbaum a interrogé : « Y a-t-il un avenir pour les Juifs en France ?... Plus de 300 000 jeunes Français s’expatrient à Londres… » Gérard Bismuth, Vice-Président du CRIF, non sans humour, a répondu dans sa conclusion que cette dernière problématique dépasse de loin l’antisémitisme, et que les crises économiques et sociales en sont peut être la cause. Il a rendu hommage à Manuel Valls qui a obtenu l’adhésion du Président François Hollande et du gouvernement à ses prises de position.

La Convention a accueilli en début d’après-midi une délégation de Comoriens et d’amis de Nora Preziosi, adjointe au Maire, venue écouter la conférence sur la Laïcité.

En introduction de cette seconde partie, Jean Meyer, Vice-Président du CRIF a fait référence à Me Robert Badinter et a donné de la Laïcité sa définition principale, celle de garantir la liberté d’opinion, la légalité, la dignité de chacune et chacun ». Il a poursuivi et dressé un portrait de chaque intervenant. De Haïm Korsia il a retenu l’homme de dialogue et d’ouverture, du Père Pascal Sevez, le sens du partage et de l’amitié, de l’Imam Tareq Oubrou, la compatibilité entre l’enseignement du Coran et les réalités de la civilisation européenne et de Me Bruno Morin, son investissement à la préparation de la loi visant à interdire « la quenelle ». Joël Benhamou, Directeur de la Yéshiva des Étudiants, a conduit cette deuxième table ronde.

Avant d’entrer dans le débat « La laïcité est-elle une chance ou un défi pour les religions ?», Gérard Fellous, auteur de « La laïcité à la française », « un sujet passionnant, mais clivant », a fait un rappel historique de la laïcité, spécificité française, héritage de la révolution de 1789, « qui érige un grand principe : la laïcité ne reconnait qu’une seule catégorie d’individus, leur appartenance à la communauté des humains sans distinction de particularités, de religion, de sexe ou d’opinion. Ces libertés sont indérrogeables ».

Laissant de côté le texte qu’il avait au préalable préparé, le plus jeune des intervenants, Haïm Korsia, Aumônier général israélite des Armées et de l’École Polytechnique, a captivé le public, rappelant qu’à « chaque cérémonie sous l’Arc de triomphe, devant le drapeau bleu blanc rouge déroulé, on touche à la République, aux Français, quel que soit son culte… la laïcité nous permet de vivre notre religion ». Il a expliqué qu’on peut entrevoir la laïcité d’une manière intelligente ou pas, prenant le cas précis d’un étudiant dont l’examen tombait le jour d’une fête juive importante et à qui on a demandé de choisir entre deux identités : « Laquelle veut-on qu’il évite ? Le fait d’être mis en demeure de choisir est une situation d’une extrême violence alors que cet étudiant ne veut pas être différent des autresUne laïcité intelligente aurait été de faire passer l’examen à un étudiant non juif le samedi et à l’étudiant juif un autre jour de la semaine ». Jeune Rabbin à Reims, et  ayant envoyé une lettre au Saint-Père il a reçu du Pape cette réponse : « La prière des uns est importante pour l’autre ».

Jésuite de formation, le Père Pascal Sevez a rappelé que ce sont les républicains qui ont fondé et élevé la laïcité en deux principes : Unité et Unicité. C’est avec humour qu’il s’est souvenu qu’avant la loi de 1905 les Jésuites étaient interdits, qu’il a grandi avec la laïcité, principe de neutralité, mais que son inquiétude du moment est de voir réapparaître une laïcité de combat.

L’Imam Tareq Oubrou, s’est fait l’écho « d’une  actualité chargée d’émotion », demandant : « Où est le bon sens qui caractérise l’être humain ?Les religions ont cette capacité, sauf la clientèle communautariste… La laïcité revêt deux formes, celle de l’État qui s’est émancipé des religions et qui garantit l’ordre public et celle de la société, plus désordonnée... Les religions sont nécessaires pour les valeurs qu’elles incarnent et pour leur contribution à la paix civile… Le musulman doit respecter le droit français, la problématique s’installe lorsqu’il y a confusion entre population musulmane et religion… » Haïm Korsia a cité pour sa part le peintre Georges Braque lorsqu’il disait : « J’aime la règle qui corrige l’émotion, j’aime l’émotion qui corrige la règle ». Serge Coen a conclu avec brio.

Plus de 400 personnes au total ont rempli les gradins de l’amphithéâtre Callelongue.

Tous attendaient avec une certaine impatience les interventions d’Yves Moraine, Maire des 6ème et 8ème arr. et de Patrick Mennucci, Député-maire du 1er secteur de Marseille. À la tribune et à leur côté sont intervenus Michèle Teboul, Présidente du CRIF Marseille Provence, et Isidore Aragones, Past-Président et modérateur.

Yves Moraine a rappelé les grands principes du thème et a ajouté : « La laïcité est l’extension du Siècle des Lumières…dans le cas de Marseille, qui n’est pas une ville comme les autres,  la laïcité, dans la plus vieille ville de France, mosaïque de cultures différentes, ne peut pas être la même… »

Patrick Mennucci s’est inscrit dans « Marseille Espérance », création du Maire Robert-Pierre Vigouroux. Il a poursuivi : « Je ne confonds pas le CRIF et le Consistoire, le financement d’une Mosquée ou celui d’une association musulmane, celui d’une synagogue ou d’une rencontre de foot du Bné Akiva. Il y a une place pour le culte et une autre pour la culture, je développerai si je suis élu Maire de Marseille les liens économiques entre Israël et la cité phocéenne ».

À la question de Michèle Teboul sur la disparition inéluctable des associations juives pour cause de laïcité trop dogmatique, Yves Moraine a expliqué que les subventions allouées par la Mairie ont augmenté. William Labi, Président du Directoire du Consistoire a demandé à Patrick Mennucci d’être l’écho de l’inquiétude et du malaise de la communauté juive de Marseille, sur les questions de l’abattage rituel et de la circoncision, remises en cause à l’échelon européen.

Michèle Teboul a conclu la journée réaffirmant avec force sa détermination à défendre Israël et la communauté juive marseillaise. Notons la présence des élus Eugène Caselli, Patrick Mennucci, Avi Assouly, Yves Moraine, Martine Vassal, Daniel Sperling, Caroline Pozmentier, Dominique Tian, Fatima Orsatelli, Mme Levy-Mozziconacci, Nathalie Pigamo, Séréna Zouaghi, Jocelyn Zeitoun, Gérard Bismuth, Évelyne Sitruk, Patrick Zaoui, Marianne Moukomel, Gérard Vitalis, Gilberte Mizrahi…

 

Edith Janowski-Bismuth

Responsable Communication