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Publié le 17 Février 2016

Ilan Halimi : Une histoire qui ne passe pas

A l'époque de ce crime ignoble, Roger Cukierman était déjà Président du Crif.

Par Violaine des Courières, publié dans la Vie le 17 février 2016
 
Pour la communauté juive, cette affaire est restée emblématique d'une prise de conscience française trop tardive face au regain de l'antisémitisme.
 
Roger Cukierman se souvient. Il était, à l'époque, déjà président du CRIF : « Une trentaine de personnes françaises, antillaises et portugaises ont torturé un adolescent pour lui soutirer de l'argent. Tout cela sur la base d'un préjugé : les juifs sont riches et ils vont payer. Personne, dans l'immeuble de Bagneux où Ilan était détenu, n'a pris son téléphone, même anonymement, pour prévenir de ce qui était en train de se passer ».
 
Pour la communauté juive, ces actes antisémites étaient les signes avant-coureurs du djihadisme actuel. Ce drame « annonçait à sa manière une série de gestes assassins : les tueries de Mohammed Merah en 2012, la fusillade du musée juif de Bruxelles en 2014, le drame de l'Hyper Cacher l'an dernier », déclarait Bernard Cazeneuve à Bagneux. Devant de telles atrocités, dix ans plus tard, Roger Cukierman « comprend mieux comment des jeunes dérivent et se réfugient aujourd'hui dans le djihadisme. » Depuis le 13 novembre 2015, les attaques contre les juifs de France se sont élargies à la société française toute entière : « les juifs ont été, comme souvent, des sentinelles », soupire-t-il.
 
En réalité, l'antisémitisme français d'après-guerre n'a pas commencé en 2006. « Il a une date, celle du 28 septembre 2000 avec le début de la seconde Intifada », analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'IFOP, et auteur d'un ouvrage intitulé « l'An prochain vers Jérusalem ? ». Pour lui, les chiffres des actes antisémites en France ont explosé à partir de la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées le 28 septembre 2000. Quelques jours plus tard, le 10 octobre 2000, une synagogue était incendiée à Trappes. Le 21 octobre 2001, c'était une école juive qui était taguée « mort aux juifs » avant d'être détruite en partie par les flammes. Face à cela, le ministre de l'intérieur de l'époque, Daniel Vaillant, n'a fait qu'une déclaration, appelant à « ne pas jeter de l'huile sur le feu ». Une petite phrase restée au travers de la gorge de la communauté juive.
 
Ainsi, lors de l'assassinat d'Ilan Halimi en février 2006, la communauté juive a ressenti comme une « double peine », déclare Jérôme Fourquet, « celle de voir un des siens torturé et tué et celle de ne pas se sentir soutenue par la population française ». Quand Roger Cukierman a appelé à manifester en soutien à Ilan Halimi en 2006, en plus des membres de SOS-Racisme, « seuls des juifs ont répondu à l'appel », assure-t-il. A ce sentiment d'abandon, s'ajoutait un malaise face à un déni en demi-teinte, celui du mobile antisémite : « La plupart des juges n'ont retenu que l'aspect crapuleux du crime », analyse Roger Cukierman. Dans une tribune publiée par L'Obs en octobre 2014, Gilles Antonowicz, avocat d'une accusée du « gang des barbares » affirmait encore : « Youssouf Fofana n’a pas tué Ilan Halimi parce qu’il était juif. Il l’a tué par rage, par dépit, parce que la police a refusé de payer la rançon. »
 
« Il a fallu attendre les meurtres de Mohamed Merah pour que l'antisémitisme soit reconnu, du bout des lèvres, et comme un phénomène "français", sans pour autant que la motivation djihadiste ne soit reconnue », affirme le sociologue Shmuel Trigano, dans un article publié dans Alliance Juive.  On disait que Mohammed Merah était « un déséquilibré » sans oser regarder la vérité en face, celle de sa radicalisation. Pour l'auteur de « l'An prochain à Jérusalem ? », « il a fallu attendre les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher en janvier 2015 pour que la société commence à se réveiller »... Lire l'intégralité.