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Publié le 30 Novembre 2015

Il y a cinquante ans, l’Eglise catholique changeait son regard sur les juifs

Le 28 octobre 2015, le monde célébrait l’anniversaire des 50 ans de la promulgation de la déclaration conciliaire "Nostra Aetate".

Par Jean-Marc Chouraqui , professeur d’histoire à Aix-Marseille Université, directeur de l’Institut interuniversitaire d’études et de culture juives d’Aix, publié sur le site de l'AJC Provence le 2 novembre 2015 
 
Un homme portant sur ses épaules 2 000 ans de « pesanteur et de grâce » (Simone Weil) insère un mot dans le Mur des lamentations. Le vieil homme et le Mur, cette image a fait le tour du monde, aboutissement d’un processus de repentance, en hébreu téchouva, « retour » au sens de retournement spirituel et ici de retour aux sources, sur la terre ancestrale du peuple juif. En janvier 1904, Pie X déclarait à Théodore Herzl, leader du mouvement sioniste, venu plaider pour un refuge en Palestine en faveur des Juifs, alors massacrés : « Les juifs n’ont pas reconnu notre Seigneur, aussi nous ne pouvons reconnaître le peuple juif. » Un siècle sépare Pie X et JeanPaul II. Entre les deux, la Shoah et Vatican II. En allant à Jérusalem Jean-Paul II reconnaissait la triple dimension du judaïsme au sens étymologique du mot, « louange à Dieu », « peuple » (« judéen »), et « terre » (« Judée »). Dans son mot dans le Mur il parlait d’Israël comme « peuple de l’Alliance » et plus de l’« Ancienne Alliance ». Par là il reconnaissait la continuité de fidélité d’Israël depuis l’antiquité à Jérusalem et la valeur spirituelle du Temple. Ce geste a bouleversé le monde juif. L’Église enlevait le « bandeau » qu’elle avait sur les yeux.
 
Le P. Jean Dujardin, ancien secrétaire de la Commission épiscopale pour les relations avec le judaïsme, souligne que Nostra Ætate § 4 comble une « carence » théologique, depuis le premier concile de Jérusalem. «  Scrutant le Mystère de l’Église, le Concile (…) ne peut oublier (…) qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc » … On rappelle, et c’est majeur, que « les Juifs restent encore très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance » (Rm 11, 28-29). C’est à un Juif que l’on doit pour beaucoup sans doute la mise à l’ordre du jour du Concile d’un texte sur les Juifs. En effet le 13 juin 1960, l’historien Jules Isaac, qui perdit les siens dans les camps, était reçu par le Pape Jean XXIII. Auteur d’un gros ouvrage qui eut un grand retentissement en 1947, Jésus et Israël, il y scrutait dans le Nouveau Testament les textes qui avaient pu nourrir l’anti-judaïsme chrétien. Il faisait un certain nombre de propositions pour les relire et ainsi substituer à « un enseignement du mépris » un « enseignement de l’estime » . Au terme de l’entretien, le Pape lui déclara : « Vous avez droit à plus que de l’espoir. »
 
Ni l’un ni l’autre ne devait connaître la Déclaration conciliaire. Dans un premier temps, sa réception devait rimer avec déception dans les milieux dirigeants ou chez les intellectuels juifs... Lire l'intégralité.