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Publié le 13 Janvier 2016

Il n'y a pas que le Daesh

Le changement d’année civile n’aura plus l’insouciance des années passées.

Par le Dr Richard Prasquier, Président du Keren Hayessod, Président d'Honneur du CRIF
 
Désormais coincé entre les commémorations des attentats de Paris, ceux de janvier et ceux de novembre, le changement d’année civile n’a pas l’insouciance des années précédentes. Ce que nous devons prévoir et ce que nous pouvons espérer pour l’année 2016 mobilisent les pensées de tous les citoyens français et tout particulièrement des Français juifs. Aujourd’hui s’il est clair que les djihadistes cherchent à tuer tous ceux qui ne pensent pas comme eux, autrement dit presque toute la population, nous restons des objectifs privilégiés parce que la haine antijuive a pris des proportions inouïes dans des milieux qui ne sont plus minuscules, et, bien au-delà du fan-club des assassins, certains considèrent que les Juifs sont des cibles naturelles et en quelque sorte compréhensibles, à cause du soutien qu’ils accordent à Israël. Combien de « Nous sommes Charlie » pensaient-ils aussi « Nous sommes l’hypercacher » ? La question reste posée, mais les pessimistes ont fait partie des 8000 olim de l’année. 
 
L’une des conséquences des attentats est de focaliser les énergies contre le Daech. La célébrité de cette excroissance cancéreuse, qui recycle des bras cassés pour qu’ils s'éclatent  dans une explosion sado-masochiste macabre, effrayante et débile, ne risque-t-elle pas de faire oublier qu’elle n’est que le surgeon le plus spectaculaire, mais pas forcément le plus efficace, d’un islamisme radical plus multiforme, mais aux haines similaires? 
 
L’Argentine, d’où je reviens, fut confrontée à un autre terrorisme islamiste, celui de l'Iran. 
Bientôt, ce sera l’anniversaire de la mort du procureur Alberto Nisman, retrouvé chez lui le 18 janvier 2015, avec une balle dans la tête. L’enquête avait vite conclu à un suicide, mais ses failles furent démontrées et malgré des campagnes visant à salir la mémoire de Nisman et d’insinuer comme d’habitude la responsabilité du Mossad et de la CIA, les observateurs sont convaincus qu'il s’agit d’un assassinat politique, iranien et/ou local. Le 4 février 2015, une marche réunissait 400 000 personnes, sous les fanions de « Yo soy Nisman ». Parmi eux, Mauricio Macri, aujourd'hui Président de l’Argentine, succédant à une Mme Cristina Kichner très acrimonieuse, celle que précisément Nisman avait accusée avant sa mort de faire obstacle à l’enquête sur les responsabilités des Iraniens dans l’attentat contre l’Amia, le Centre communautaire juif de Buenos Aires. 
 
C’est le 18 juillet 1994 qu’avait eu lieu cet attentat: 85 morts, 300 blessés. Survenant deux ans après un attentat sanglant contre l’Ambassade israélienne jamais élucidé, l’attentat contre l’Amia c'est plus de vingt ans d’enquêtes bâclées, de dossiers égarés, de pots de vin, de dessaisissements, de mises en cause, jusqu’aux plus hauts niveaux de l’Etat. Les choses étaient si claires cependant qu’Interpol publia en 2007 une série de noms d’officiels iraniens de haut niveau déterminés comme responsables de l’événement. 
 
En  2010, Mme Kirchner, qui s'était engagée à trouver les coupables, s’est rapprochée de l’Iran et a voulu résoudre la gêne occasionnée par Interpol. Elle entamait sa dérive populiste, et l’Iran avait placé bien des pions en Amérique du Sud. Début 2013, un accord fut signé entre les Iraniens et les Argentins (le Ministre Hector Timerman, un Juif antisioniste et cynique), qui donnait en substance  aux Iraniens le contrôle des enquêtes pouvant incriminer leurs dirigeants. Ce même schéma, du présumé coupable devenu enquêteur, a, été apparemment adopté dans les négociations sur le nucléaire signées en 2015 avec les Américains. Les Iraniens sont d’excellents diplomates. N’oublions pas que ce sont aussi de redoutables terroristes... 
 
Janvier 2016, c’est un autre anniversaire: celui de la sortie du roman de Michel Houellebecq, "Soumission", description diaboliquement habile de la façon dont l’islamisme « soft » prend le pouvoir politique en France, devient « hard » et trouve partout des compagnons de route consentants... L’envers du Daech?  
 
Je salue  avec admiration les Musulmans qui se sont exprimés cette année avec grand talent et énorme courage contre le totalitarisme islamiste. Ils nous donnent des raisons d’espérer. Au fait,j’ai parlé de l’Argentine. Là-bas, «esperar» signifie espérer, mais aussi prévoir... Cherchons à «esperar»  une bonne année 2016.