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Ris-Orangis, lundi 22 juin 2015
Réponse du Rabbin aux discours d’introduction du Ministre Thierry Mandon
« Monsieur Le Ministre, Cher Ami,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Maire et conseiller départemental, cher ami,
Monsieur le Grand Rabbin de Paris,
Monsieur le Pdt du Cercle Bernard Lazard, représentant Roger Cukierman, Pdt du CRIF
Monsieur le président de la Communauté, bien cher M. Racimor,
Monsieur le président de l’Assemblée des communautés juives de l’Essonne,
Monseigneur Alain Bobière représentant l’Evêque d’Evry Michel Dubost
Messieurs les Présidents des communautés et des associations
Cher Anouar Kbibech, dans 8 jours, Prédt du C.F.C.M.
(Monsieur le Recteur de la Mosquée d’Evry, Cher Khalil Merroun ?)
Monsieur le Président de la Communauté Musulmane de Ris-Orangis
Messieur les pdts du C.E.DE.R. cher Yves Bensaid, et du CIARE, cher David Aouizerate
Mme la Vice Pdte de DPM, Mme la Pdte de Com-coute
Chers amis du Conseil municipal
Messieurs les rabbins, Messieurs les curés, Monsieur le Pasteur, Messieurs les Imams
Chère communauté
Chers amis
Chère famille,
Votre nombre, et non des moindres, à cette cérémonie, n’a d’égal que votre affection et votre amitié pour le modeste serviteur et son épouse que vous venez féliciter. Vous êtes ce bain familial et communautaire, Rissois et citoyen, au sein duquel nous avons évolué durant bientôt trente ans, jouissant jour après jour de votre amitié, de votre sympathie, de votre solidarité, de proximité, enfin de votre fraternité.
Votre fidélité de ce jour en ce lieu, aux femmes et aux hommes qui le fréquentent, fait écho par vos réponses spontanées, quasi permanentes, aux appels, aux invitations, voire aux exhortations des présidents et de leurs Conseils d’Administration, qui se sont succédés à la tête de la communauté, et dont je veux rappeler les noms : le défunt Georges Elhadad, fondateur et bâtisseur de ce lieu, suivi d’Henri Bénichou, puis de Claude Arfi enfin de Patrick Racimor. Tous animés par leur sens du dévouement, celui du militant communautaire qui fait don de soi – messirout nefesh - , Présidents et administrateurs ont réussi avec une infinie patience, une grande persévérance, et je dirai sans qu’ils en soient gênés, avec une certaine forme d’amour discret et désintéressé, suscitant l’admiration de nous tous, ont réussi à partager avec vous leur attachement à cette grande famille que vous représentez, et à entretenir ce lien fort de chacun d’entre vous à ce lieu et à ses habitués.
La vie juive à Ris-Orangis, outre ses activités religieuses, s’est construite sur une autre catégorie de militants : celles et ceux d’entre vous qui donnent de leur personne au monde associatif, en parallèle à leur engagement communautaire. Soucieux d’élargir leur champ d’action et leur sens des responsabilités, ils continuent depuis tant d’années et jusqu’à ce jour, à donner une réelle valeur ajoutée à notre communauté. Je veux parler des fondateurs et animateurs de nos associations, le C.E.D.E.R., D.P.M., Com-Ecoute et je me permets de leur associer le Club CIARE. Yves Bensaid, Alain Belhassen, Feu Dr Robert Estelin, et son successeur Bernard Cukier, feu Albert Partouche, feu René Lévy et leur successeur David Aouizerat, enfin Josette Zerbib. Oui, vous êtes ces piliers de fondation sur lesquels se bâtit au quotidien ce tissus, ce maillage de relations humaines, fait d’actions culturelles, d’échanges livresques, de fidélité à la mémoire de la Shoah, ou encore de souci de l’autre, quant autrui est livré à l’isolement ou à la solitude, voire à l’exclusion. Vous êtes et vous continuerez d’être, les âmes animatrices du corps de notre communauté.
Vivre au sein d’une communauté juive, c’est également puiser en son sein les ressources pour rayonner autour de soi, et particulièrement de quoi nourrir son implication citoyenne faite de solidarité mais aussi de tolérance, indispensable et intelligente. Si la société française est travaillée par des tensions que certains nomment « identitaires » ou « communautaires », à Ris-Orangis, on a vu se jeter profondément dans son sol, les racines de cette fraternité retrouvée entre juifs et chrétiens. Nourris de cette vision nouvelle du concile Vatican 2 et de ce texte célèbre de Nostra Aetatae, Mgr Guy Herbulot et son successeur Michel Dubost, tous deux évêques d’Evry, ont favorisé des centaines de rencontres entre juifs et chrétiens dans cette enceinte. Pardonnez-moi de penser que d’une certaine manière, nous avons vécu concrètement et donné corps à ce que l’on appelle la primauté culturelle du judéo-christianisme et des racines judéo-chrétiennes de la France, dans le même temps où nous avons, ensemble, juifs et chrétiens, fait fleurir une incontestable fraternité. Nous sommes engagés dans un mouvement irréversible de consolidation de nos liens.
L’islam est arrivé à Ris-Orangis à partir des années 95 et lentement, il a pris ses marques tout près de nous. Sur le même trottoir, nous nous rencontrons et nous échangeons, sourires et poignées de mains amicales et nous construisons ainsi les conditions d’un « vivre ensemble ». Quant au dialogue inter-religieux avec la communauté musulmane, nous partons de l’idée qu’il faut laisser au temps le soin de faire son travail. Nous sommes très heureux de voir s’ouvrir publiquement le débat des rapports entre l’Islam et les autres religions. Et des échanges quasiment quotidiens entre intellectuels, nous apprenons que nous sommes d’abord frères en humanité. Et qu’à ce titre, nous sommes capables, comme le rappelle aujourd’hui même, Alain Besançon : « de nous entendre sur des vertus communes telles que l’honneur, le mérite, la famille, l’honnêteté, la bonté, la bravoure, etc.. » bref, les valeurs citoyennes fondamentales de la république laïque qui sait pacifier les rapports entre les citoyens de différentes fois. Quant aux rapports entre l’Islam d’un côté, le judaïsme et le christianisme réunis de l’autre, c’est-à-dire du rapport entre ces deux blocs de religions, laissons-nous guider par les analyses lucides de nos intellectuels et nos hommes de sciences, pour identifier objectivement ce qui nous distingue et ce qui nous sépare afin de trouver un jour ce qui devrait consolider notre « vivre ensemble » et non le fragiliser. Mais en attendant ce jour, à un moment où l’on n’estime pas assez la haine du juif – l’égaré – et du chrétien – le réprouvé-, attachons-nous à éduquer les enfants de religions différentes à se connaître et à vivre ensemble pour lutter contre l’intolérance enseignée à un si grand nombre, comme nous essayons de le faire, ici, au quotidien, avec nos jeunes animateurs, Abu, Mohamed, Alexandra et leurs jeunes amis musulmans.
A Ris-Orangis, cette oasis qui nous réunit sous les auspices de la résistance symbolisée par la mémoire de Jean Moulin, nous vivons depuis plus de trente ans dans des conditions d’une exceptionnelle entente cordiale avec la Mairie et les élus qui se succèdent. Loin des tensions extérieures, vous avez su, messieurs les maires de Ris-Orangis, chers amis, construire des relations harmonieuses avec les chapelles que vous abritez. Vous avez encouragé et soutenu tous les projets de nos associations et vous nous avez accordé votre confiance. Et si nous sommes réunis aujourd’hui pour ce moment délicieux, c’est parce que vous en avez dessiné l’ossature et le plaisir d’être ensemble, tout le mérite vous revient.
Mes chers amis, à travers ma personne, vous faites honneur à ce petit bout de terre, ce petit carré de la France. Au nom de la République, vous avez honoré les présidents et les administrateurs de ma communauté. Vous venez de rendre hommage à ses nombreux militants associatifs que vous rencontrez déjà depuis des années. Votre présence est aussi un témoignage et un signe d’encouragement à ces nombreux responsables des trois religions et aux représentants bouddhistes qui depuis deux ans ont à leur tour pris le train en marche. La distinction de ce jour leur revient en toute légitimité. Je la partage bien volontiers avec elles et avec eux.
Quant à votre serviteur, vous pouvez imaginer son modeste rôle à travers une image bien réelle cette fois-ci, qui lui colle à la peau depuis toujours, tout simplement parce qu’il l’a vécue en réel : l’homme qui s’applique à réaliser ce que les militaires appellent : le passage du combattant. A savoir, un homme, un chef de troupe d’éclaireurs israélites, allongé sur un lasso sans aucune mesure de sécurité, au dessus des gorges comme celles du Tarn ou des gorges du Verdon. Le pied droit sur le lasso pour avancer, le pied gauche en balancier au dessus du vide pour tenir en équilibre, la tête redressée et le regard fixé vers l’autre falaise, enfin ses bras pour avancer et atteindre l’autre berge. Toute ma vie est dans cette image de l’effort permanent, de l’obsession du renouvellement, des défis imprévus de l’existence sur terre, au Maroc ou sur cette douce terre de France, et l’espoir de toucher l’autre rive.
Un grand merci à vous tous. Recevez un sincère merci, chaleureux, amical, respectueux, plein d’admiration et d’affection, en particulier à celles des dames de la communauté, les petites souris ou les petites fourmis, que j’appelle désormais mes sœurs, qui me font l’amitié de m’accompagner depuis ma venue à Ris-Orangis, pour l’organisation de toutes nos manifestations. Vous êtes rien moins que merveilleuses, jacqueline, Rachel, Josette, Sybille, Michèle et j’en oublie. Bravo !! Que D. vous bénisse.
Et enfin, j’aimerais que cette médaille soit accrochée sur le revers de la veste de celle qui a accepté de supporter patiemment, mes rêves et mes utopies, mes longues absences et mes départs inopinés, et surtout l’éducation de nos enfants et de nos petits enfants, merci ma chère Gisèle. »