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Publié le 1 Septembre 2015

"De Joden zijn ons Ongeluk!" ("Les Juifs sont notre malheur!")

Toute la question est de savoir ce qui explique qu’aujourd’hui seul l’Etat juif, pourtant l’un des rares démocraties d’Asie, soit l’objet d’un boycott «citoyen».

Par Joël Kotek, publié sur le site du CCOJB le 31 août 2015
En soi, la décision de boycotter un Etat n’a rien de scandaleux. Pour s’en persuader, il suffit de songer aux cas de l’Allemagne nazie ou, plus récemment, du régime sud-africain. Dans des cas bien précis, des Etats peuvent être mis au ban des Nations, quelques fois même dans l’intérêt de leur(s) population(s). Toute la question est de savoir ce qui explique qu’aujourd’hui seul l’Etat juif, pourtant l’un des rares démocraties d’Asie, soit l’objet d’un boycott « citoyen ». Il ne manque pourtant pas d’Etats peu respectueux de ses minorités comme de ses voisins. Prenons le cas de la Turquie, cet Etat qui, non content de nier le génocide jeune turc, exerce depuis plus de 18 ans un blocus contre l’Etat arménien, s’ingénie à persécuter ses minorités (dont ses 14 millions de Kurdes), occupe le tiers d’un pays membre de l’Union européenne (Chypre), construit des murs de sécurité (Syrie), s’arroge le droit de bombarder ses voisins (Syrie, Irak), soutient en catimini l’un des pires mouvement terroriste de ce siècle, tout cela, pourtant, sans susciter la moindre velléité de boycott. Que du contraire : la Turquie sera prochainement l’hôte de la Belgique dans le cadre d’Europalia 2015, l’année du centenaire du génocide des Arméniens ! Et c’est bien ici que le bât blesse. Comment expliquer, en effet, ce deux poids deux mesures, sinon par la (dé)raison antisémite ? Faut-il rappeler, ici, la déprogrammation d’un artiste juif, et non israélien, d’un festival de reggae espagnol sous prétexte de son refus de se prononcer sur le conflit israélo-palestinien ? Bref, nul ne songerait à taxer le mouvement BDS de raciste s’il ne ségrégait des artistes du seul fait de leur judéité, si seulement les signataires du Belgian Academic and Cultural Boycott of Israel (BACBI), initié depuis l’université de Gand, appelaient au boycott d’autres Etats que celui des Juifs.
A tout bien considéré, ce double standard nous renseigne sur le fait que ce qui importe, en termes de popularité et de médiatisation d’un conflit, est bien moins la qualité des victimes (les 20.000 Tamouls assassinés, les 300.000 algériens victimes de la guerre civile, les 200.000 Tchétchènes victimes des Russes) que celle des présumés « bourreaux » (i.e. les rescapés de la Shoah !). Cette terrible équation nous permet de comprendre le manque flagrant d’empathie pour les Kurdes, les Sahraouis et même quelque fois des Palestiniens dès lors qu’ils ne sont pas victimes des Israéliens. La « qualité » musulmane des massacreurs du Yarmouk empêche tout élan de sympathie pour ces victimes-là.
Au fond, qu’est-ce l’antisémitisme sinon l’attention obsessionnelle portée aux Juifs, sinon l’idée que « les Juifs sont le malheur du monde ». Cette thèse saugrenue, née en Allemagne il y a près de 150 ans de l’imagination de l’historien allemand von Treitschke, est à peu de choses près celle défendue aujourd’hui par un professeur de philosophie de la KU, Lieven De Cauter. Dans une carte blanche à l’accent prophétique (« Modifier votre vision du monde Monsieur Francken »), ce militant d’extrême gauche ne craint pas de désigner au secrétaire d’Etat NVA en charge des réfugiés, les… Juifs (oui les Juifs !) comme les véritables responsables du chaos mondial. Dans un délire verbal rappelant furieusement les thèses paranoïaques de certains chantres de l’entre-deux-guerres notre intellectuel et poète flamand entend démontrer en quoi la crise actuelle des réfugiés procède ni plus ni moins d’un vaste complot ourdi, sous l’ère Bush, par un groupe précis d’intellectuels et de politiciens « juifs néo-conservateurs ». Comment expliquer autrement la déchirure du monde arabe, le dépècement de l’Irak, la guerre civile en Syrie, la haine obsidionale entre Chiites et Sunnites, sinon par le souci de ces « purs et durs sionistes » (?) de protéger « l’entité sioniste » (sic) et ce, au mépris même des réalités économiques de leur patrie supposée :
« Les intérêts pétroliers n’étaient pas au cœur de leur démarche, mais leur servaient plutôt d’alibi. Comme le prouve d’ailleurs le fait que les compagnies pétrolières américaines n’ont que peu profité de la débâcle irakienne. »
Ainsi à suivre M. De Cauter, ces intellectuels et politiques américains d’origine juive n’auraient agi qu’en seule fonction des intérêts juifs, idée chère à l’extrême droite allemande et française fin de siècle. On se souviendra de la belle sentence de Maurice Barrès : « Je tiens Dreyfus pour traître de par sa race ». On se souviendra encore de ce brave monsieur Céline qui lui aussi s’empressa de désigner, dès 1937, les Juifs français comme de dangereux fauteurs de guerre :
« Que veulent-ils, les Juifs, derrière leur baragouin socialistico-communiste ? [...] Qu'on aille se faire buter pour eux. [...] Qu'on aille, nous, faire les guignols devant les mitrailleuses d'Hitler. Pas autre chose ! » « Toutes les guerres, toutes les révolutions ne sont en définitive que des pogroms d'Européens organisés par les Juifs. »
Prétendre qu'une "bonne guerre" contre l'Allemagne profiterait à la France, rajoutait-t-il encore, c'est avaler la propagande de la « grande enculerie française maçonnico-talmudique juive ».
Notre beau et plat pays n’est pas caractérisé de surréaliste sans raison. Dans quel autre pays que le nôtre verrions-nous un intellectuel d’extrême gauche proposer à un ministre, dénoncé par ailleurs comme héritier de la collaboration flamande, une vision du monde pour le moins fortement inspirée des tristement célèbres Protocoles des Sages de Sion ?... Lire l'intégralité.