Actualités
|
Publié le 7 Octobre 2020

Culture - Le chorégraphe israélien Adi Boutrous fait danser le Théâtre de la Ville

Du 9 au 12 octobre, le Théâtre de la Ville retrouve avec bonheur Adi Boutrous, à la lumière d’une nouvelle création, One more Thing. Le prodige israélien poursuit ici sa réflexion sur les stéréotypes assignés à la virilité. Quatre interprètes masculins dansent un regard décalé sur la culture de la conquête et de la domination, la lutte pour l’espace et les ressorts de l’indifférence face à la souffrance.

Le Théâtre de la Ville présente

One more thing, une création chorégraphique d'Adi Boutrous

du 9 au 12 octobre 2020

Réservez ici

 

Propos recueillis par le Théâtre de la Ville

Vous vouliez initialement travailler sur le thème de la masculinité toxique, mais vous vous inspirez finalement d’un rite de passage. Évolution ou changement de cap ?

ADI BOUTROUS : Comme c’est la première fois que je travaille avec les trois autres danseurs de ce quatuor, nous avons passé un premier mois à improviser, pour établir une base commune. Une relation harmonieuse s’est créée. Après cela, j’ai en effet commencé à m’intéresser aux rites de passage. Nous avons regardé des vidéos montrant des rites en Afrique de l’Ouest, souvent liés au passage de l’adolescence à l’âge adulte. Tous avaient un point en commun, qui est le passage par une douleur physique ou une prise de risque corporel par la personne soumise au rite. Par ailleurs, ces pratiques concernent les hommes. Nous y faisons référence en commençant sur une musique pour cérémonies d’Afrique de l’est, chantée en swahili. Nous créons un rythme sur lequel nous synchronisons pour ensuite porter l’énergie du cercle vers d’autres formes d’être-ensemble.

Le questionnement de la masculinité reste donc un sujet important de cette pièce ?

A. B. : Nous avons évoqué, entre nous, les moments où nous avons compris que le monde est organisé selon un système phallique qui nous manipule. Il faut être fort, cacher ses émotions, etc. Ces histoires personnelles ont nourri nos improvisations, dans lesquelles nous nous sommes donnés des tâches à accomplir par la danse. Par exemple, travailler sur ce qu’on éprouve quand on subit l'énergie agressive d'un groupe hostile et violent. Au cours de la pièce, les personnages créent un espace d’entraide et de partage où ils se sentent libres et en sécurité, où ils se mettent à l’écoute de l’autre et peuvent exprimer des choses qu’ils doivent réprimer dans leur quotidien.

Comment le public féminin peut-il se positionner face à ces quatre hommes ?

A. B. : L’espace mental que nous créons est aussi plus sain et sûr pour les femmes ! Nous y devenons des hommes utopiques avec des qualités qui sont habituellement considérées comme féminines. La plupart des personnes qui ont assisté à nos avant-premières dans notre studio en Israël étaient par ailleurs des femmes. Et il y a chez elles une forte demande d’une nouvelle masculinité. Spectatrices et spectateurs nous ont parlé de leur épuisement mental au quotidien. Ils oeuvrent en faveur de la tolérance, mais cette lutte est de plus en plus fatigante.

Votre quatuor a parfois l’air d’être en apesanteur et c’est d’une grande douceur. Comment avez-vous travaillé ces états de corps, ces lâchers-prises?

A. B. : Par la répétition quasiment interminable d’un geste, d’une tâche. Cela pour aller au-delà de l‘épuisement physique, pour nous débarrasser de nos idées préconçues, pour être libres quant à la forme d’un mouvement, pour nous libérer de l’envie d’être beaux ou de montrer qu’on sait faire tel ou tel mouvement de manière virtuose. Nous cherchons plutôt le mouvement qui surgit par hasard. Je veux voir des êtres humains qui s’expriment par la danse, pas des danseurs qui sont des outils exécutant des mouvements appartenant au chorégraphe.

Photo : Ariel Tagar

Ce spectacle a reçu le label "Recommandé par le Crif" -