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Publié le 11 février dans Le Figaro sous le titre Loi séparatisme : les députés adoptent de nouvelles règles sur la modération des réseaux sociaux
Le gouvernement avait déposé un amendement reprenant les grandes lignes du Digital Services Act européen. Il a été adopté à 98 voix pour et 2 contre.
Obliger les réseaux sociaux à faire œuvre de transparence sur le fonctionnement de leur modération et mieux encadrer cette dernière: les députés ont donné ce jeudi matin leur aval à ces nouvelles règles lors de l'examen du projet de loi sur le respect des principes de la République, aussi connue sous le nom de loi séparatisme. Elles étaient regroupées dans un copieux amendement de plus de 10 pages déposé par le gouvernement, adopté à 98 voix pour et 2 contre.
Cet amendement devient l'article 19 bis de la loi séparatisme. Il s'inspire d'une partie du Digital Services Act, un règlement européen majeur visant à encadrer la modération des contenus illicites sur les plateformes Internet, qu'il s'agisse de propos haineux ou bien de la vente de produits contrefaits. Le texte européen a été présenté par la Commission en décembre mais doit désormais être débattu par le Parlement européen et le Conseil, pour une adoption espérée courant 2022.
Le gouvernement français a fait le choix de prendre par vitesse Bruxelles en «transposant par anticipation» un règlement encore non débattu, en arguant que la régulation de la haine en ligne ne peut attendre. L'article 19 bis contient une clause précisant qu'il deviendra caduc en 2023, afin d'être remplacé par le règlement européen.
L'article 19 bis instaure une liste d'obligations pour les réseaux sociaux et les moteurs de recherche à partir d'un certain seuil d'audience qui sera fixé par décret. Il vise une liste précise de contenus illicites : l'apologie des crimes, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et de l'esclavage, mais aussi les provocations à la haine contre les personnes en raison de leurs origines, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. Sont également visés la pédopornographie, les contenus terroristes, le proxénétisme, le harcèlement sexuel et le fait de «donner accès aux mineurs à des messages violents ou pornographiques».
Les nouvelles obligations entendent encadrer toute la chaîne de modération des contenus et instaurent de nouveaux droits et devoirs. Par exemple, une personne signalant à un réseau social un contenu problématique doit être informée des suites de la procédure, et doit pouvoir faire un recours si rien ne se passe. De l'autre côté de la chaîne, un utilisateur qui voit une de ses publications être dépubliée doit en être informé par le réseau social, qui doit argumenter sa décision. Là encore, l'internaute doit pouvoir faire appel.
Les plateformes visées par l'article 19 bis devront nommer un représentant légal en France. Il sera l'interlocuteur privilégié des forces de police et de justice, ainsi que des pouvoirs publics. Certains réseaux renvoient en effet les autorités françaises à leurs bureaux irlandais ou américain, qui ne répondent pas toujours aux requêtes de la justice pour identifier un utilisateur. Des plaintes déposées pour harcèlement ou appel à la violence n'aboutissent ainsi pas, faute de coopération. Début février, trois victimes de cyberharcèlement ont déposé plainte contre Twitter pour «refus de déférer à une demande d'une autorité judiciaire» et «complicité des délits d'injure publique».
Enfin, l'article 19 bis oblige les plateformes à ouvrir grand les portes de leurs services de modération au CSA, qui devient leur régulateur. La transparence sera exigée sur le fonctionnement des algorithmes de modération des contenus, afin que le CSA puisse évaluer leur efficacité. Le régulateur devra aussi connaître le nombre de modérateurs alloués à la France pour chaque plateforme, et exiger si besoin que leur nombre soit augmenté.
Par ailleurs, les députés ont également adopté à 115 voix pour et 10 contre l'article 20 de la loi séparatisme. Ce dernier, voulu par le ministère de la Justice, instaure que les auteurs de propos haineux sur Internet seront désormais jugés en comparution immédiate.