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Publié le 18 Janvier 2016

Compte-rendu de la cérémonie de commémoration devant l'HyperCacher, par Haim Messika, WJC Israel (Kulanu)

Une délégation du World Jewish Congress a participé à l'hommage organisé par le CRIF.

7 Janvier 2016, il est  10h30 du matin lorsque j’atterris à Paris avec le vol ELAL 319. La cérémonie du souvenir pour Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher débutera normalement le Samedi 9 janvier à 20 heures. Pourtant dès Jeudi midi, soit le 7 janvier, les médias français  se déchainent: un commissariat a été attaqué en plein Paris par un islamiste armé d’un couteau au cri de Allah HouAkbar. Le « forcené » comme on dit ici, a été tué par les forces de police qui ont découvert sur lui, une ceinture explosive factice. 
 
Au moment de l’attaque, je me trouve à 400 mètres du commissariat attaqué de la Goutte d’or, quartier à très forte densité immigrée. Je suis coincé dans les embouteillages provoqués par l’attaque. Soudain nous ne sommes plus dans la commémoration, mais dans la réalité crue. Alors que depuis plusieurs jours les médias égrènent  méthodiquement les lieux et les dates des cérémonies à venir comme pour enterrer ces mauvais souvenirs, les français apprennent qu’une nouvelle fois, ils ne pourront pas souffler. C’est vraiment la guerre, et ce nouveau type d’attentat au couteau effectué par un homme seul (ou solitaire) bouleverse la France. Le seul constat possible est que Janvier 2015 ne marquait que le début d’une longue série qui n’est pas prête de s’arrêter. 
 
Lorsque nous arrivons à la porte de Vincennes, où est présent le gratin de la classe politique, et des autorités religieuses du pays de toutes les confessions (y compris les musulmans modérés) l’esplanade est noire de monde. Le ciel est très nuageux mais il ne pleut pas, et le Paris que je trouve en ce début 2016 n’a rien à voir avec celui que j’ai connu.  Les bâtiments de style Haussmanniens sont toujours là, et donnent toujours à Paris ce cachet inimitable qu’apprécient les touristes du monde entier; pourtant, je vous affirme que la France a changé, vraiment changé! 
 
Des milliers de juifs ont également tenu à être là, avec des drapeaux de l’état d’Israël. Une journaliste de l’AFP m’interroge sur cette drôle de chanson qu’entonnent les juifs de France après l’excellent discours du Président du Crif Roger Cukierman, je lui réponds que c’est l’hymne israélien. Le climat est très tendu car les gens sont à fleur de peau, comme en témoigne les sifflets à l’égard du secrétaire général du parti socialiste Jean Marie Cambadélis! Cette tension n’est pas violente car le peuple juif ne sait ni exhiber ses morts, ni bruler des pneus, elle relève plutôt d’une contrariété profonde, d’une exaspération face à cette injustice dans la présentation du conflit israélo arabe. La propagande antisémite, sous couvert « d’anti Israël » est devenues avec le temps, une réalité insupportable pour les juifs de France. La propagande anti israélienne relayée tous les jours, par l’Agence France Presse et une grande partie des médias français est tellement insidieuse, qu’il est devenu quasiment impossible de se défendre publiquement. 
 
La moindre tentative de prise de position pro-israélienne est immédiatement repoussée.  La moindre esquisse de défense de la position d’Israël est huée, sifflée et parfois même repoussée avec violence par les organisations pro-palestiniennes dans les universités, les écoles, les lieux publics et aujourd’hui les supermarchés à travers les actions du BDS. Une comparaison de Daesh avec le Hamas est simplement impensable, vu que nous sommes accusés d’être parmi les puissants sur terre et accusés surtout d’avoir volé la terre des palestiniens. 
Cela justifie tout à leurs yeux !  
 
Cela justifie le terrorisme aveugle à Tel Aviv ou Jérusalem, l’agressivité du Hezbollah, la vindicte iranienne, et … aujourd’hui les attentats dans les rues de Toulouse ou de Paris.
 
Les musulmans en France ne sont pas forcément des djihadistes ou des extrémistes, mais ils ont, il faut le dire : un regard plutôt bienveillant sur la position des dirigeants arabes sur le conflit israélo arabe. Cela accentue terriblement la pression même au sein des entreprises où peuvent se côtoyer quotidiennement juifs et arabes.
 
Pourtant le discours de Manuel Valls marque une nouvelle fois les esprits par quelques formules chocs comme : « Sans les juifs de France, la France n’est pas la France » ou encore : « Comment la France pourrait laisser vivre dans la peur ses compatriotes juifs et les laisser douter un seul instant que c’est ici chez eux. Voir des français juifs de plus en plus nombreux, quitter leur pays parce qu’ils ne s’y sentent plus en sécurité, mais aussi parce qu’ils ne s’y sentent plus compris, parce qu’ils ne s’y sentent plus à leur place, aurait du être depuis longtemps aurait du être depuis longtemps pour nous tous français, une idée insupportable». Au delà , des formules chocs, ce discours marque un véritable tournant , car c’est la première fois qu’un premier ministre en exercice fait le lien clair entre l’antisémitisme et le boycott de l’état d’Israël par le BDS :  «l’antisémitisme …est là dans cette détestation compulsive de l’état d’Israël. Comment pouvons accepter qu’il y ait des campagnes de boycott contre Israël, comment pouvons accepter qu’il y ait face à l’opéra de Paris des manifestations ou l’on diabolise Israël... Non, cela est inadmissible ! » 
 
Le chauffeur qui nous ramène avec Maram Stern, Ceo deputy du WJC à Bruxelles, est quant à lui dans le déni :« Ce qui est important nous dit-il, c’est le chômage. Les gens sont plus préoccupés par le chômage que par le terrorisme;  le terrorisme, ils n’en ont rien à faire! ».
 
Pourtant nous sommes au temps de la mondialisation et tout est forcément lié. 
Le déni est persistant dans la classe dirigeante, il se retrouve même dans les mots employés pour désigner le terrorisme.  Cela pose un vrai problème de société. 
 
Plutôt que de passer son temps à commémorer, il est temps d’agir semblent crier les français à leurs dirigeants! Mais l’action est plutôt complexe. Chaque action des forces de renseignements, des forces de sécurité ou des forces de polices est bloquée systématiquement par une multitude d’actions politiques ou juridiques censées protéger les valeurs, certes importantes, de la liberté individuelle.
 
Avant de quitter la capitale française je ne peux résister à faire un petit tour vers les Champs Elysées, le ciel est bleu malgré un froid pénétrant, c’est les soldes en ce moment. Curieusement alors que les rues devraient grouillées de monde, la foule est peu nombreuse. Les grands magasins ne sont pas pris d’assaut et les portillons de sécurité font maintenant partie du quotidien des français qui doivent patienter de longues minutes avant de faire du shopping. Une manifestation de voitures anciennes prévue de longue date donne un petit air de fête à la place de l’étoile, mais on sent que l’ambiance n’y est plus. 
 
La république doit relever un défi sérieux, sans aucun doute, l'un des plus grand auquel elle n’a jamais été confronté; car elle fait face à un ennemi qui remet en cause la civilisation occidentale dans son mode de vie.  La France était un pays colonisateur, qui a exporté son mode de vie à travers les siècles, mais aujourd'hui son ennemi est dans la place, il est protégé par les lois centenaires, il est difficile simplement de définir l'ennemi sans risquer une guerre civile, dont nul ne peut mesurer les conséquences.