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Publié le 13 Avril 2016

Commission " Relations avec les Musulmans" du 24 février 2016

La Commission pour les relations avec les Musulmans a reçu M. Ahmet Ogras

Poursuivant ses rencontres avec les responsables du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), notre commission a reçu le 24 février Monsieur Ahmet Ogras, président du Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France (CCMTF). M. Ogras est actuellement un des vice-présidents du CFCM, et au terme des accords décidés entre les grandes fédérations du culte musulman, il devrait succéder à M. Anouar Kbibech à la tête de l'institution à partir de la mi-2017.
 
M. Ogras a commencé par retracer son propre parcours. Venu tout jeune en France avec sa famille, il y a grandi, et fait des études d'ingénieur. Il est actuellement chef d'entreprise.
En ce qui concerne le CCMTF, il regroupe entre 70 et 80 % du tissus associatif des originaires de Turquie, avec 270 associations affiliées et lieux de prière. Même si cela n'apparait pas dans ses statuts, le CMTF représente en France la "Diyanet", institution d'Etat chargée du culte en Turquie. Ceci est connu et reconnu par les Ministères de l'Intérieur et des Affaires Etrangères.
151 Imams sont en fonction dans ce réseau de mosquées, étant eux-mêmes des fonctionnaires de l'Etat turc.
Ils sont envoyés en France, pour un mandat de quatre ans et après avoir reçu une formation spécifique.
 
M. Ogras a apporté un certain nombre de précisions sur le fonctionnement du réseau de mosquées relevant de sa fédération :
- Chacune a deux pôles d'activité, un pôle purement cultuel et un pôle culturel, en charge du programme d'enseignement, en particulier de la langue turque. 
- Les mosquées sont totalement auto financées par chaque association responsable. Elles fournissent des logements aux Imams.
- Les prières se font en langue arabe comme dans toutes les mosquées, mais les prêches se font en turc, et plus rarement en Français.
- Le taux de pratique religieuse est supérieur à celui des originaires du Maghreb, et il est supérieur aussi à celui observé en Turquie.
- La tradition dominante est d'influence soufie.
 
En ce qui concerne les échanges avec les représentants des autres fédérations cultuelles musulmanes ou avec les autres mosquées voisines, notre invité a reconnu qu'ils étaient limités. Il arrive que des arabophones suivent les prières dans une mosquée gérée par des originaires de Turquie, mais la réciproque n'est pas vraie.
Monsieur Ogras a ensuite répondu à plusieurs questions relatives à la communauté des musulmans originaires de Turquie. Leurs principaux lieux d'implantation sont l'Ile de France et l'Alsace Lorraine, présence également en région Rhône Alpes. L'immigration vers l'Europe a commencé dans les années 60-65 en Allemagne, 75-80 en France. La plupart des immigrés étaient pauvres, et originaires de l'Est de la Turquie, en particulier des Kurdes. Cette première génération a travaillé comme ouvriers, dans le bâtiment ou les professions du textile (tailleurs en particulier).
Notre invité a présenté un tableau plutôt optimiste de l'évolution des originaires de Turquie, en disant que leur taux de chômage est inférieur à la moyenne nationale, et que les nouvelles générations font souvent des études supérieures ; ceci conduirait des "Bacs + 5" à retourner dans le pays d'origine de leur parents, en raison de la meilleure situation économique là-bas au cours de la dernière décennie.
Cette communauté présente un fort sentiment identitaire, se traduisant par la prise de nationalité turque même pour les générations devenues françaises par le "droit du sol". Les mariages restent endogamiques pour les deux tiers (entre originaires de Turquie), le dernier tiers restant entre Musulmans pour la majorité. Notre invité a reconnu aussi que l'engagement associatif citoyen en dehors des communautés d'originaires reste modeste.
En ce qui concerne les différences avec les Musulmans d'autres origines (plus faible taux de chômage, moins d'incidents occasionnels avec les forces de l'ordre), Monsieur Ogras a proposé quelques explications : l'importance de "la valeur travail" dans la culture turque, qui fait mal voir le statut de chômeur ; la tradition soufie ; le rôle traditionnel de la Femme en Turquie, qui impose des valeurs et une discipline à la maison. Il a également relevé que les "discriminations au faciès" s'appliquent moins aux originaires de Turquie qu'à ceux d'origine maghrébine.
 
La réunion s'est achevée par une discussion autour de plusieurs sujets d'ordre international, et pas en relation directe avec la communauté franco-turque : situation géopolitique au Moyen-Orient ; terrorisme en Turquie ; problème kurde ; relations avec Israël.
 
Jean Corcos, Président délégué de la Commission