- English
- Français
Entretien mené par Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif
Les israéliens viennent de découvrir des tunnels qui passent sous le territoire israélien, dans le nord. Il s’agirait de tunnels du Hezbollah. Cela vous surprend-il? Est-ce que cette question de tunnels offensifs utilisés par le Hezbollah avait suscité dernièrement une polémique ? Des interrogations ?
Yigal Palmor : Ce n'est pas vraiment surprenant, dans la mesure ou le Hezbollah continue de jurer ouvertement la perte de l'Etat d'Israel, promet de combattre Israel à mort, par tous les moyens, et menace de temps en temps l'état hébreu d'une pluie de missiles, de destruction de sites sensibles et stratégiques, et d'annihilation totale, selon le jour et l'état d'esprit de son chef suprême, Hassan Nasrallah. Ce dernier a fait souvent allusion à une invasion ou "conquête" de la Galilée en cas de conflit avec Israel, ou dans des circonstances que son organisation pourrait juger propices. On comprend donc que l'emploi de tunnels d'attaque était parfaitement pris en compte par les renseignements israéliens, qui cherchent à endiguer une éventuelle agression du Hezbollah, semblable ou différente de celle qui avait lancé la guerre de 2006.
Et lorsque l'on connaît les relations étroites entre le Hamas, de nouveau en odeur de sainteté à Téhéran, et le Hezbollah, allié et vassal de toujours du régime des Ayatollahs, on ne s'étonne pas de voir les méthodes des uns, reprises par les autres.
Cependant, la surprise vient quand même du fait que jusqu’à présent, Tsahal n'avait pas communiqué sur l'identification de tunnels d'attaque sur la frontière avec le Liban. Les habitants de plusieurs localités frontalières du Nord avaient alerté, pourtant, les autorités et les médias. Ils croyaient entendre des bruits souterrains laissant croire à des creusements suspects. Mais les autorités avaient toujours nié avoir repéré un quelconque mouvement souterrain, d'autant que le terrain au nord est rocheux. Le Hamas pouvait profiter du terrain sableux prévalant dans la région de Gaza, mais on ne pensait pas que le Hezbollah était capable de creuser des tunnels a même le roc. Or, on sait maintenant que depuis quelques années, et malgré les démentis public, Tsahal surveillait de près la frontière, et déployait des systèmes technologiques dont il a le secret afin de repérer d'éventuels tunnels. L'annonce faite hier, après une mise au point de plusieurs mois, voire de quelques années, d'un plan de démolition de ces tunnels, a surpris tout le monde, Hezbollah compris. C'était sans doute l'effet recherché.
Une opération dénommée « bouclier du nord » est en cours. Une guerre peut-elle éclater au nord?
La guerre du Nord n'aura pas lieu. En tous cas, elle n'a aucune raison d'avoir lieu. Tsahal opère exclusivement sur le territoire israélien, et la FINUL, force intérimaire de l'ONU au Sud Liban, a été prévenue pour éviter tout malentendu et tout quiproquo. Rappelons au passage que les travaux souterrains du Hezbollah ont eu lieu au nez et à la barbe des Casques Bleus. Pourtant, ils ont pourtant pour mission d'observer le Sud Liban et de s'assurer qu'aucune activité militaire n'y a lieu, en accord avec la résolution 1701 du Conseil de Sécurité, adoptée en 2006 pour faire cesser les hostilités. Le seul acteur militaire autorisé dans la zone est l'armée libanaise, mais le Hezbollah ne tient pas compte de l'autorité de celle-ci, viole les résolutions de l'ONU de manière flagrante et subvertit la souveraineté du Liban en bâtissant un état dans l'état et en se dotant d'une armée privée, financée et armée par l’Iran. Si le Hezbollah n'agit pas de manière insensée, comme il l'avait fait en 2006 (de l'aveu même de Nasrallah), il ne devrait pas y avoir d'escalade, car celle-ci n'est dans l'intérêt de personne. Ceci dit, il est dangereux de faire confiance au rationalisme des intégristes… Israel doit donc rester vigilant.
Quelle est le sentiment qui prévaut en Israël entre les risques qui proviennent du nord et du Hezbollah et le conflit larvé avec le Hamas au sud ?
Le même sentiment qui prévaut depuis 2006, lorsque le Hamas séquestre et prend en otage Gilad Shalit, alors même que le Hezbollah attaque une patrouille de Tsahal sur le territoire israélien, et enlève les dépouilles des soldats qu'il venait de tuer. En clair: les israéliens comprennent qu'ils sont face à deux fronts et à des groupes terroristes dangereux, armés jusqu'aux dents par l'Iran, et ayant pour but la « guerre sainte » jusqu’à la mort. Cet été 2006 sonne le glas de tout espoir de paix, pour l'opinion israélienne. Certes, le gouvernement Olmert avait tenté, envers et contre tout, de négocier un accord de paix avec l'Autorité Palestinienne. Et des progrès considérables ont été réalisés au cours du processus d'Annapolis. Mais une fois que le Hamas avait pris le pouvoir à Gaza par un putsch sanglant en 2007, l'opinion israélienne, dans sa majorité, n’y croyait plus du tout. Les israéliens, de gauche et de droite, sont conscients d'avoir l'Iran a leurs portes, par djihadistes interposés. Si la gauche, aujourd'hui minoritaire dans les sondages et à la Knesset, espère toujours renouer le dialogue avec l'Autorité Palestinienne, sans pour autant se faire d'illusions sur les chances d'aboutir à un accord définitif tant que le Hamas reste au pouvoir à Gaza, la droite, elle, forte de sa confortable majorité dans les sondages et à la Knesset, écarte toute possibilité de pourparlers avec les Palestiniens tant que le Hamas n'est pas mis hors d'état de nuire. La menace continue qu’exerce le Hezbollah ne fait qu'accentuer la prise de conscience d'un affrontement indirect mais bien réel avec l'Iran, qui pèse de tout son poids négatif et nuisible sur les faibles chances de ranimer un jour le processus de paix israélo-palestinien.