Réponse : Je crois que nous pouvons être fiers du travail accompli. Nous avons, d’une certaine manière, rétabli un équilibre. De nos jours, lorsqu’on évoque, à propos du Moyen-Orient, la question des réfugiés, on ne parle que des réfugiés palestiniens en occultant totalement la tragédie de l’exil, dans des conditions parfois épouvantables, des Juifs qui vivaient depuis des millénaires en terre d’islam. Parce que ce n’était pas dans leur tempérament de se plaindre à l’infini, parce qu’ils ont su, très rapidement reconstruire une nouvelle vie, pour eux et pour leurs familles et parce qu’Israël, au prix d’énormes sacrifices financiers a choisi d’intégrer et de réhabiliter plus d’un million de Juifs en péril venus des pays arabes.
La première manifestation, le 27 mars, avec la projection du film de Pierre Rehov, « Les réfugiés du silence » et la participation d’historiens comme Bat Ye’ Or a réuni plusieurs centaines de personnes. Nombreux sont ceux qui sont venus nous féliciter pour avoir eu le courage de parler enfin de ce sujet devenu presque tabou.
Puis, nous avons décliné la thématique pays par pays. Les Juifs d’Egypte ont été à l’honneur, le 14 juin, toujours selon le même principe : films et débat. La joie, la fierté retrouvée des centaines de Juifs cairotes et alexandrins, à elle seule, nous récompensait, le comité d’action et moi-même, des semaines intenses de préparation. Puis ce fut le tour des Juifs de Tunisie, le 17 septembre. Les « Tunes » s’étaient donné rendez-vous en masse, quelques quatre cents personnes et nous avons, hélas dû refuser du monde. Là aussi, l’impression générale était que l’on rendait enfin leur mémoire occultée à tout un peuple, même si on a pu entendre quelques voix discordantes. Le 20 novembre, qui a coïncidé avec une grève générale très dure, seules quelques dizaines de personnes ont pu assister à la très belle soirée sur les Juifs du Yémen. Le 5 décembre, enfin, on a pu découvrir que la communauté juive libyenne de Paris n’est pas négligeable et la manifestation que nous avons organisée autour du film de l’américano-libyenne Vivienne Roumani-Denn, « The last Jews of Libya », s’est rapidement transformée en soirée de retrouvailles.
Convivialité, donc, retrouvailles, mémoire d’un riche passé enfoui et occulté et, bien sur, rétablissement de la vérité historique. Tout au long de ces manifestations, nous avons distribué des feuilles individuelles et familiales de témoignages. Nous en avons recueilli une centaine, souvent bouleversantes, notamment, celles rédigées par des Juifs égyptiens. Elle seront dépouillées, analysées et utilisées à bon escient. Alors, objectif atteint ? Oui et non. La campagne est loin d’être achevée. Nous envisageons, en 2008, de parler des Juifs du Maroc, de ceux d’Algérie, d’Irak, de Syrie et du Liban. Nous referons, enfin, une soirée « généraliste » avec, cette fois, la projection de l’excellent film de Michaël Grynszpan, « Les réfugiés oubliés » qui vient d’être primé dans un festival du film et qui sera suivi d’un débat d’historiens.
Là où nous n’avons pas été assez performants, c’est dans la médiatisation. Certes, nous avons eu un certain nombre d’articles de presse, mais nous pouvions faire mieux et nous chercherons à être plus présents à l’avenir. Il y a aussi, et c’est très important-nos amis américains excellent dans cet exercice-une action efficace à mener auprès des hommes politiques pour les sensibiliser au sujet. Nous avons commencé à le faire par le biais de questions posées à des candidats aux dernières élections législatives. Quelques enseignements se dégagent de leurs réponses que nous avons analysées, mais il faut passer désormais à la vitesse supérieure et présenter le sujet et notre vision de cette problématique au plus grand nombre possible de leaders politiques.
Question : Certains vous reprochent de déformer la vérité sur ce qu'a été le vécu des Juifs dans les pays arabes. Que leur répondez-vous?
Réponse : Les personnes auxquelles vous faites référence sont très minoritaires. S’il s’agit des siècles passés, avant la période coloniale, le statut de la dhimma, qui faisait des Juifs (et des Chrétiens également) des citoyens de seconde zone, n’est contesté par personne.
Pour la période plus récente, celle qui suit l’indépendance des pays d’Afrique du Nord concomitante aux guerres israélo-arabes, il y a des différences d’appréciation. S’il ne fait aucun doute que la situation des Juifs d’Egypte, de Syrie, d’Irak de Libye ou encore du Yémen a été terrifiante, les raisons du départ des Juifs de Tunisie ou du Maroc est vue différemment selon qu’on était français ou autochtone, riche ou pauvre, sioniste ou non ou encore qu’on entretienne toujours des relations, familiales ou commerciales avec les pays d’origine.
Quant aux Juifs d’Algérie, ils constituent, depuis le décret Crémieux, un cas à part. Toutefois, la polémique qui a précédé le récent voyage du président Sarkozy dans ce pays, montre qu’il y a matière à réflexion quant à la perception que se font aujourd’hui les Algériens musulmans, des Juifs qui ont vécu en Algérie bien avant leur arrivée. Tout cela sera débattu lors de la soirée sur les Juifs d’Algérie dont je vous parlais.
Et le « débat d’historiens » auquel je faisais référence permettra, je l’espère, de lever un coin du voile sur des zones d’ombre.
Question : Considérez-vous que la question des Juifs qui ont quitté les pays arabes doit faire partie du règlement du conflit israélo-arabe ? Faudrait-il leur verser des compensations? Si oui, qui ?
Réponse : Les négociations entre Israéliens et Palestiniens ont toujours buté sur trois questions : la reconnaissance d’Israël comme Etat juif, le statut de Jérusalem et le problème lancinant du « retour des réfugiés ».
Sur la première, on peut espérer, qu’avec le temps qui passe, les Arabes, même s’ils n’en conviennent pas au fond de leurs cœurs, finiront par se faire à cette idée. Sur Jérusalem, même si cela semble douloureux, beaucoup, en Israël, considèrent que la rétrocession à la future Palestine de quartiers de la ville, fortement peuplés de Palestiniens, sera finalement une bonne chose.
Reste la litanie des « réfugiés ». La réglementation de l’UNRWA, complètement inique, non seulement considère comme réfugié palestinien toute personne qui, lors du conflit de 1948 a été déplacée de plus de deux kilomètres, mais, surtout, elle accepte que ce statut soit transmissible de père en fils. De cinq cent mille, les réfugiés palestiniens sont devenus cinq millions qui rêvent de se réinstaller…en Israël. Ce pays, qui compte déjà 20% d’Arabes et qui n’a pas l’intention de se suicider, ne peut pas accepter un tel « retour », complètement surréaliste.
C’est pourquoi, l’argument d’un échange historique de fait entre les réfugiés palestiniens et les Juifs originaires des pays arabes dont Israël a accueilli une grande partie constitue une carte maîtresse. La ministre des Affaires étrangères d’Israël, Tsippi Livni, a évoqué le sujet peu avant la conférence d’Annapolis et le dirigeant du Likoud, Benjamin Netanyahiu nous disait récemment qu’il est temps de mettre la question sur le tapis.
Quand aux compensations, la JJAC n’a aucune revendication financière. Toutefois nous partageons le point de vue émis en son temps par le président Bill Clinton, à savoir que le moment venu, un organisme international serait constitué qui, avec des fonds recueillis aux Etats-Unis, en Europe, au Japon ou ailleurs et sur la base d’étude de dossiers, verserait aux ayants-droits, juifs et arabes, les réparations auxquelles ils pourraient prétendre.