La soirée de remise des prix s’est déroulée dans un théâtre du Vieux-Colombier qui affichait complet. Les 350 spectateurs, dont de nombreuses personnalités, ont tous apprécié une soirée rayonnante d’intelligence et de sensibilité. En ouverture de cette cérémonie menée avec ironie, et fermeté néanmoins, par Philippe Meyer, le Président de la Fondation du judaïsme, Pierre Besnainou a tenu à dire sa reconnaissance à Francine et Antoine Bernheim pour leur soutien aussi généreux que discret.
Après que David Kessler a dit en quoi ces prix étaient l’illustration parfaite du rôle unique de la Fondation du judaïsme, ce fut au tour des lauréats de recevoir leur prix et de remercier. Présenté par le philosophe Roger-Pol Droit, Shmuel Trigano retraça sont itinéraire personnel et intellectuel, avec ses repères géographico-politiques : Algérie, France, Israël. Il conclut par ce constat paradoxal qu’une fois dedans, on ne sort pas du judaïsme, comme l’ont cru tant de « juifs modernes », de Spinoza à Freud en passant par Marx.
Albert Memmi, désormais dans le rôle du sage, présenté avec gratitude et affection par celle qui fut son étudiante, Annie Dayan-Rosenman, rappela sa jeunesse tunisienne. Avec beaucoup d’humour, il évoqua ce rite maternel consistant à renvoyer l’assiette de gâteaux donnée par des proches en présent, à l’occasion d’un événement heureux, en la remplissant à son tour de friandises en guise de remerciements. La Fondation du judaïsme français lui décernait ce prix des Lettres, l’auteur du Portrait du colonisé lui renvoyait l’hommage en disant sa reconnaissance.
Enfin, c’est avec une amicale émotion que Blanche Grinbaum-Salgas a déroulé l’impressionnant parcours (de Gendron à Rostropovitch…) de la virtuose du violoncelle qu’est Sonia Wieder-Atherton, soliste d’audience internationale et compositeur plus qu’original. Celle-ci plutôt que répondre avec des mots préféra utiliser son langage : la musique. Le récital qu’elle donna accompagnée au piano par son complice, l’époustouflant pianiste Bruno Fontaine qui dirige actuellement l’Opéra de Quat’sous de bertold Brecht et Kurt Weill, à la Comédie française, fut à l’image de la violoncelliste : énergie, foi, amour. Qu’il s’agisse de ses compositions (Prière, Psaume, Psalmodie) ou de celles de Zygel, Salgan ou Piazzola, S. Wieder-Atherton, au-delà de la technique, nous dit quelque chose de l’âme juive quand elle est créatrice et universelle, c’est-à-dire, tout simplement âme humaine. Ce sentiment, les spectateurs, ravis, l’ont également partagé en écoutant le prometteur jeune guitariste de jazz David Konopnicki (un nom que certains connaissent sans doute, avec des prénoms différents selon les générations, mais retenez bien David…), jouant sur des textes de la musicienne interprétés, plus que simplement lus, par le comédien du Français, Laurent Natrella qui joue actuellement de l’Opéra de Quat’ sous à la salle Richelieu.
Une belle et amicale réunion loin des tempêtes du monde ? Pas tout à fait, puisque la soirée avait été ouverte sur un extrait de la Rapsodie in Blue de Gershwin. La musique sans doute la plus symbolique de New York où se déroulait, pratiquement au même moment, la tragédie que chacun avait à l’esprit…
Photo : D.R.