Paris Match. Que pensez-vous de la polémique actuelle autour des Roms ?
Richard Prasquier. On ne peut pas admettre qu’une communauté soit discriminée, comme c’est le cas aujourd’hui avec les Roms. C’est un problème qui concerne toute l’Europe et qui doit être résolu à cette échelle. Le pourcentage d’actes de délinquance parmi les Roms est certes plus élevé que dans la population française, mais il ne faut jamais faire porter à une communauté le poids des méfaits d’un certain nombre de ses membres. On est sur une route très étroite entre la langue de bois et la généralisation. Il faut veiller à rester sur cette route.
Y a-t-il eu dérapage de la part du président de la République ?
Je n’utiliserai pas le terme de dérapage car je fais partie de ceux qui sont convaincus qu’au sommet de l’Etat le racisme est en horreur. Pour autant, il faut faire extraordinairement attention aux mots et ne pas généraliser. Dans le cas actuel, c’est à double détente : non seulement les Roms sont stigmatisés, mais en plus cette stigmatisation se diffuse jusqu’aux gens du voyage qui, pour leur immense majorité, sont Français depuis des générations. En temps que Juif, je suis très sensible à ce qu’une communauté ne soit pas mise à l’index. Surtout quand il s’agit des Tsiganes avec qui nous partageons des persécutions communes. J’ai d’ailleurs immédiatement exprimé ma sympathie auprès de leurs responsables.
Le cinéaste Tony Gatlif a déclaré au “Monde” : “En 1940, la haine antijuive tenait la main à la haine antitsigane. On sait ce qui est arrivé.” Qu’en pensez-vous ?
C’est profondément choquant et indigne. Les Roms sont renvoyés pour la plupart de façon volontaire dans leur pays d’origine où ils sont protégés par des lois que supervise la Communauté européenne. Ils ne sont pas envoyés dans des chambres à gaz. Rien dans la législation actuelle ne ressemble de près ou de loin au statut des Juifs sous Vichy. Je ne vois pas non plus de manifestations de haine. Tous ceux qui ont parlé de honte, de tache sur notre nation – comme l’a écrit Dominique de Villepin – ont employé un discours de propagande intolérable. J’en appelle au respect de l’Histoire.
Quelle est votre opinion sur les critiques émanant de l’Onu, de l’Europe et d’un certain nombre d’autorités religieuses dont le pape ?
L’Onu ferait bien de se préoccuper d’autres problèmes de discrimination beaucoup plus graves que ceux qui existent en France et dont on ne parle pas. Quant aux critiques des autorités religieuses, elles me paraissent justifiées dans la mesure où leur rôle est de protéger des minorités en état de faiblesse. Mais elles ne doivent pas outrepasser les bornes de la réalité historique – comme certains l’ont malheureusement fait récemment.
Une interview par Caroline Fontaine, publiée dans le Paris-Match du 1er septembre 2010.
Photo : D.R.