« Nous sommes réunis ici pour rendre un dernier hommage à Raphaël Konopnicki, Résistant, combattant pour la Liberté.
Pendant longtemps, le rôle des Juifs dans la Résistance fut occulté ; alors que leur rôle fut très important tant dans la Résistance française, que dans l’Organisation Juive de Combat, et qui plus est, au sein de la FTP-M.O.I. d’où étaient issus des combattants du Groupe Manouchian, fusillés au Mont Valérien. Ils sont tombés en criant : « Vive la France » !
Pendant la première année de l'occupation, la Résistance a été le fait de quelques initiatives consistant bien souvent en de simples éditions de tracts ou des manifestations sporadiques à l'occasion d'un événement local. La Résistance a pris forme qu’en 1942.
Mais, il y a eu des hommes et des femmes qui, dès l’Appel du Général de Gaulle, le 18 juin 1940, se sont engagés dans la Résistance ; ce fut le cas de notre ami, Raphaël Konopnicki. Il était Résistant de la première heure.
Raphaël Konopnicki - né en 1915 à Kalisz (Pologne) et Rose Hoffnung (qui veut dire ESPOIR, quel beau symbole pour la future Résistante) née en 1913 à Gelsenkirchen (Allemagne) - se sont mariés en 1935 à Metz. Ils seront naturalisés français, mais les lois de Vichy vont les priver de leur nationalité.
Il est significatif de voir le jeune Raphaël Konopnicki s’engager dans la lutte contre le racisme et le nazisme dès 1933, à l'avènement d'Hitler. Il deviendra un des fondateurs de la LICA, devenue LICRA. C’est dire que l’antisémitisme était une constante dans la société française qu’il fallait combattre. Et Raphaël était un combattant, un lutteur.
Comme d’autres Français, il est mobilisé en 1940 avec ses deux frères aînés durant la "Drôle de guerre", si bien décrite par l’historien et Résistant Marc Bloch dans « L’Etrange Défaite ». Je le cite :
" Un jour viendra, tôt ou tard, j'en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s'épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. » Raphaël réunissait ces deux qualités.
Face au Monument des Anciens Combattants Engagés Volontaires 1939-1945, il nous faut rappeler que ce ne furent pas que des Français « dits de souche » qui ont pris les armes. Des photos et documents témoignent de la mobilisation massive de Juifs étrangers pour défendre la France, leur terre d’accueil. Le film « Les régiments ficelles » relate ce patriotisme. Hélas, viendra ensuite, avec Pétain et Laval, l’heure de la trahison avec le Statut des Juifs et les déportations des Juifs de France.
Raphaël qui parvient à franchir les lignes allemandes, au moment de la capitulation, retourne à Marseille. Nous sommes en 1940 : alors socialiste, il prend la carte du Parti communiste, dit le « Parti des 75.000 fusillés » pour être plus efficace dans son combat contre le nazisme. Mais, des années plus tard, en 1946, le Camarade Voisin, incorrigible à cause de son esprit libre et de sa clairvoyance tombe en disgrâce. Le Parti était coutumier du fait. Sonnera alors la rupture avec le parti du « Petit Père des Peuples ».
A-t-il entendu l'appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle ? Mais le fait est, qu’en ce moment historique Raphaël Konopnicki (Édouard Voisin dans la clandestinité) avait rejoint la Résistance. Chargé du recrutement, dirigeant une imprimerie clandestine, il est nommé Commandant FTP. Et que fait Rose Konopnicki (alias Renée Collin) ? Elle est agent de liaison dans la Résistance.
Quel magnifique exemple que l’engagement du couple Konopnicki dans la défense de la Patrie et des valeurs de la République !
Je les revoie, il n’y a pas si longtemps, la main dans la main, arpentant la rue du Rendez-Vous dans le XIIe arrondissement.
Avec l'occupation de Nice et la région par les Allemands en septembre 1943, les rafles se multiplient et la Gestapo torture les Résistants. Les membres de la famille Konopnicki trouvent refuge auprès de gens exemplaires, des Justes de France.
La Résistance porte des coups à l’Occupant. Et Stalingrad marque le début de la chute du IIIe Reich. Fort de son engagement, Raphaël Konopnicki prend la tête des maquisards FTP du Var, durant les combats de la Libération,
Quand Rose et Raphaël Konopnicki rentrent dans Paris libéré, ils prennent douloureusement connaissance de l’ampleur de la déportation de Juifs de France. Des membres de leur famille, déportés, ne reviendront pas d’Auschwitz.
Ils deviendront des militants de la Mémoire juive de la Mémoire combattante, en restant fidèles à leurs idéaux progressistes.
Dans son livre autobiographique, Camarade Voisin, publié en 2008 chez Jean-Claude Gawsewitch, Raphaël relate son parcours d’homme. Pas uniquement ceux qui parlent le yiddish connaissent le sens du vocable « MENTCH » ; Raphaël était un « MENTCH ».
Il était un proche du Cercle Bernard Lazare ; il prenait part aux conférences. Il y est venu présenter son ouvrage avec sa voix de stentor, pouvant aisément se passer de micro.
Ce fut un homme de combat, un homme de convictions. Il était membre actif de la Commission du Souvenir du CRIF, que j’ai l’honneur de présider ; Commission qui a été fondée par son ami, notre ami, Henry Bulawko. Il était Président, puis Président d’Honneur de l’AMILAR.
Le hasard fait que la réunion à venir, à laquelle Raphaël était convié, aura pour thème : « Juifs dans la Résistance». Attristée par sa disparition, la Commission lui rendra un hommage le 22 février.
Au nom du Président du CRIF, Dr Richard Prasquier, au nom de la Commission du Souvenir, je voudrais témoigner à son épouse Rose, à Guy, Anne-Paule, à Marlène et Danielle, et à toute la famille, ma plus profonde sympathie et nos plus sincères condoléances.
Pour la Commission du Souvenir,
Claude Hampel
Bagneux, le 17 février 2011.
Photo : D.R.