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Publié le 2 Juin 2010

Petite histoire de la terreur hexagonale

Fin mai 2010, neuf personnes soupçonnées d'être islamistes ont été mises en examen dans l'enquête sur la tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l'un des membres du Groupe islamique armé (GIA) condamné à la perpétuité en 2002 pour sa participation aux attentats de 1995. Mis sur écoute par la sous-direction antiterroriste (SDAT), pas moins de quatorze individus avaient été appréhendés quelques jours plus tôt, avant qu'ils ne puissent exfiltrer le terroriste de la centrale de Clairvaux, l'une des prisons les mieux surveillées de l'Hexagone.




Pour des raisons de sécurité évidentes, l'identité des personnes incarcérées en France pour des crimes terroristes est confidentielle, à discrétion du ministère de la Justice. L'article 421-1 du Code Pénal définit un «acte de terrorisme» comme «une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur». Parmi les agissements relevant du terrorisme, on retrouve l'enlèvement, la séquestration, le détournement de moyens de transport, les infractions en matière informatique, celles commises par des mouvements dissous (Action Directe, par exemple), la fabrication, la détention, l'importation et le transport d'engins explosifs, mais aussi certaines infractions de blanchiment et autres délits d'initiés.



Depuis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, votée par le gouvernement Jospin dans la foulée des attaques du 11-Septembre, la justice s'attaque également aux «mécènes» du terrorisme. «Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds [...] en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte», précise l'amendement…



Quelle typologie?
Selon le ministère, 250 à 300 personnes seraient aujourd'hui mises en examen ou emprisonnées pour terrorisme sur le sol français. Si les détenus sont classés par rapport à leur degré de dangerosité –le porte-parole de la Garde des Sceaux rappelle que le lieu de privation de liberté n'a pas de rapport avec le crime commis, et que par extension, il n'existe pas de «prison pour terroristes»– la place Vendôme dresse une typologie de la terreur hexagonale en trois axes: les détenus islamistes, basques, et corses. Pour autant, comme le rappelle Béatrice Giblin, directrice de l'Institut français de géopolitique, «il faut affiner ces catégories, car elles ne s'appuient pas sur le même ressort».



Les terroristes islamistes «d'Etat»



S'il représente la frange la plus visible, en tout cas la plus médiatisée, du terrorisme, l'islamisme radical est aussi sa caractérisation la plus composite. «Dans les années 1980, nous n'avons pas affaire aux groupuscules salafistes que nous connaissons aujourd'hui, il s'agit bien plus de réglements de comptes sur fond de liquidation d'affaires avec l'Iran et le Liban, estime Béatrice Giblin. Je pense notamment à l'exfiltration de Yasser Arafat.» Fortement liée à des questions de géopolitique externe, la période des années 1980 est marquée par des réseaux terroristes aux ramifications complexes, qui plongent souvent dans les arcanes de régimes opaques.



On peut d'abord citer les membres du groupe pro-iranien Fouad Ali Saleh, véhicule banalisé du Hezbollah libanbais, responsable de 13 attentats à Paris entre 1985 et 1986, notamment celui du magasin Tati de la rue de Rennes, qui fit 7 morts et 54 blessés. Incarcéré depuis 1987, condamné à la prison à perpétuité en 1992, Saleh est maintenu à l'isolement depuis cette date et la justice continue de refuser sa libération conditionnelle.



L'Iran joue un rôle central dans cette période de troubles, puisqu'on retrouve la main de Téhéran derrière la tentative d'assassinat de Chapour Bakhtiar, l'ancien Premier ministre du Shah réfugié en France, en 1980. Onze ans plus tard, Ali Vakili Rad, dépêché par le régime des mollahs, aura finalement la peau de Bakhtiar, à son domicile de Suresnes. Incarcéré en France, Ali Vakili Rad a été libéré et renvoyé en Iran, quelques heures après la libération de l'étudiante française Clotilde Reiss.



Photo : D.R.



Source : slate.fr