Né en 1926 à Paris, dans une famille d’origine roumaine, Maurice Schwartz parle surtout de son père, déporté en 1943 à Auschwitz d’où il ne reviendra pas. Il lui voue d’ailleurs une grande admiration : « C’était un monument ».
Jacob Schwartz est arrivé en France, seul à l’âge de 20 ans, en 1908 après avoir déserté l’armée roumaine. « Il avait un tempérament anarchiste et était proche des milieux intellectuels de gauche ». A Paris, il fréquente la communauté juive roumaine du 18e arrondissement. Ne sachant pas parler français, les personnes qu’il rencontre l’aident à trouver un job. Se dégotant une voiture à bras, il apprend quatre mots qui l’aideront à évoluer : « Chiffon, ferraille à vendre. » Petit à petit, il évolue et devient antiquaire. « Il a toujours voulu aider les autres, comme on l’a lui-même aidé à son arrivé. » C’est pourquoi il accueille les réfugiés d’Europe centrale. En 1914, il rencontre sa femme – qui elle aussi a traversé l’Europe de Roumanie jusqu’en France seule à 14 ans – et ils se marient. Ils auront quatre enfants : trois garçons et une fille.
Lorsque la guerre éclate, les Schwartz habitent Paris. Mais en 1942, Maurice est envoyé en zone libre. « Mon père m’avait donné un grosse somme d’argent : 2000 francs. J’ai pris le train à la gare Montparnasse pour aller jusqu’à Dax. Là-bas, j’ai attendu avec un groupe de gens pour passer la ligne de démarcation. Le passeur prenait 1850 francs. La nuit, on est parti et plusieurs fois on s’est arrêté car des patrouilles allemandes rodaient dans les parages. » Le petit groupe arrive tout de même dans une ferme qui se situe en zone libre.
Là, Maurice se dirige vers Pau où il sera caché par une femme avec d’autres enfants. « Un jour, il a fallu nous cacher. On m’a mis dans une citerne d’eau. Je suis resté trois jours sans manger. »
En septembre 1943, il rejoint le maquis où il participera aux différentes actions de la Résistance. A la fin de la guerre, le maquis est rattaché à la 2e DB. Il part en Alsace. Il fait son service militaire dans une unité de blindés et devient chef de char. Il sera démobilisé quelques temps après.
C’est à cette époque qu’il rencontre un ami qui travaille pour la Haganah. Son expérience militaire est fortement appréciée. Quant il est sollicité pour partir en Israël. Il accepte. « On m’a dit que là-bas on aurait besoin de moi. Je ne savais pas quoi faire après le service. J’ai accepté. » Il rejoint par ses propres moyens le camp d’Arenas près de Marseille et embarque à bord du « Kedma » le 15 mai 1948. Il arrive à Haïfa le 23 mai où il est épouillé avec du DTT.
On demande alors aux nouveaux arrivés qui a une expérience militaire. Ceux qui répondent positivement sont envoyés immédiatement dans un kibboutz menacé sur la frontière jordanienne puis à Hédera. « On était toujours habillé en civil. Nous avions reçu des armes. On nous a placés dans un champ d’arachides en quinconce afin d’observer les alentours. Seulement on nous a oubliés pendant 48 heures, nous laissant ainsi sans boire ni manger. »
Il est ensuite transféré au camp de Sarafand, abandonné par l’armée britannique. Il rejoint une unité légère blindée.
Après avoir été entraînée et équipée d'un half-track (petit tank avec des roues), son unité reçoit sa première mission : renforcer un commando en formation à Césarée, le futur commando français.
« Lorsque j’étais en Israël, bien sûr que j’avais peur. Les combats étaient durs et dangereux. Mais j’avais moins peur que lorsque j’étais dans le maquis. »
Le commando est envoyé à Beer-Sheva. « Nos half-tracks sont positionnés du côté du poste de police. Nous recevons l’ordre d’avancer vers la mosquée. Le half-track est touché et notre commando est aidé par des éléments du Palmach. Beer-Sheva est prise. »
L’unité de Maurice participe à la dure bataille de Faloudja contre une brigade égyptienne à laquelle appartient un jeune officier, Gamal Abd el Nasser. « Je suis versé dans une formation de surveillance des frontières. Je suis blessé un peu plus tard au cours d’une patrouille sur la frontière libanaise. » Rétabli, il participe à des missions de reconnaissance et de surveillance à la frontière avec l’Egypte afin de trouver des points d’eau.
Démobilisé en 1950, il rencontre une jeune femme Anny, qui elle aussi a participé à la guerre. Ils se marient et reviennent sur Paris en 1952 : « Le mal du pays. » Maurice Schwartz a été secrétaire général de l’association des Machalnikim français et francophones.
« Je suis fier d’avoir participé à la naissance de cet Etat », confie t-il. Lorsqu’il parle d’Israël, il garde en mémoire l’image du mythe égalitaire incarné par le kibboutz et de ses propos se dégage une grande nostalgie de l’époque des pionniers : « Israël était le phare des communautés juives de Diaspora. Tout le monde était égal. Il n’y avait pas de différence de classe. ». Maurice se dit, aussi, inquiet face à la récupération des thèses antisémites dans le monde 60 ans après la Shoah et s’interroge sur l’avenir des Juifs et d’Israël…
Propos recueillis par Stéphanie Lebaz
Témoignage extrait du livre « La guerre d’indépendance d’Israël. Témoignages des volontaires française et francophones », Editions Machal, 2006, 338 p.