Il s'est éteint ce week-end, tout doucement. Comme s'étiolent ces flammes qui n'ont plus une goutte d'huile pour les alimenter. A 103 ans, le Pr Émile Aron n'est plus. Une disparition que son entourage redoutait depuis plusieurs jours. Depuis qu'il avait montré d'évidents signes d'épuisement. En octobre dernier pourtant, alors qu'il recevait La Nouvelle République à son domicile, il faisait encore preuve d'une étonnante vivacité d'esprit et nous donnait sa recette de la longévité : « Pour vivre longtemps, il faut s'y préparer à l'avance. Il faut se préparer à vieillir dès l'enfance. » Sa préparation à lui consistait à stimuler sans cesse son esprit. « Il faut se cultiver ! », nous avait-il déclaré lors de son centenaire, en 2007. Et jusqu'au bout, ce grand homme a multiplié les occasions pour occuper son esprit et transmettre son savoir, en multipliant les conférences où il pouvait parler pendant des heures. En décembre 2009, devant une centaine de personnes, il se faisait le prosélyte de l'oxygénothérapie - une méthode pour raviver l'hémoglobine - aux côtés de son ami l'ingénieur René Jacquier, un « gamin » de 98 ans ! Émile Aron était aussi un ardent défenseur de son terroir, n'oubliant pas ses origines rurales. Homme de gauche, médaillé de la Résistance et de la Légion d'honneur, il ne mettait pas ses engagements dans sa poche. Proche d'Israël, il se disait « athée et libre penseur » mais ne ratait pas une occasion d'exprimer son point de vue, condamnant les guerres, les famines, le racisme, l'indifférence et la bêtise humaine. La Touraine lui rendra sans doute, dans les jours à venir, l'hommage qu'il mérite.
Selon ses voeux, Émile Aron sera inhumé dans les jours prochains dans la plus stricte intimité.
En 1933, Émile Aron soutient sa thèse de doctorat sur l'ulcère de l'estomac à la faculté de médecine de Strasbourg. Il est recruté à Tours par le Pr Guillaume Louis, puis nommé chef du service de médecine générale à l'hôpital de Tours. En 1937, à 30 ans, il est nommé titulaire de la chaire de physiologie. Après la guerre, Émile Aron devient en 1947 directeur de l'École de médecine de Tours. Directeur de laboratoire de recherche, chef de service hospitalier, et administrateur d'hôpital, il continue de donner des consultations à son cabinet. En 1950, il fonde avec le Pr Robert Arnaud le centre régional de transfusion sanguine, puis la banque des yeux, la banque des os et le premier lactarium à l'hôpital Clocheville. Soutenu par le pédiatre Robert Debré, il est à l'origine en 1955 de l'Institut régional de dépistage et de lutte contre le cancer qu'il confie ensuite à Paul Métadier sous forme de fondation. Il créera aussi à Tours l'Institut national de médecine agricole. En 1962, il est élu doyen de la faculté de médecine qui vient d'être créée. Il y enseignera jusqu'en 1980. Admis à l'Académie de médecine en 1979, Émile Aron en était le doyen.
Article publié dans La Nouvelle République
Photo : D.R.