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Publié le 28 Septembre 2011

Le cas palestinien : une question controversée au sein du Parlement

Vendredi 23 septembre 2011 dernier, l'Autorité palestinienne a déposé une demande de reconnaissance d'un Etat palestinien devant les Nations unies. Les Etats-Unis s'y opposent et pourraient opposer leur véto, l'Union européenne reste divisée. Est-ce une demande légitime ou une provocation ? Nous avons posé la question au président de la délégation pour les relations avec le Conseil législatif palestinien, l'Irlandais Proinsias De Rossa (groupe des Socialistes et démocrates), et à celui de la délégation pour les relations avec Israël, le Néerlandais Bastiaan Belder (Europe de la liberté et de la démocratie). Avec des réponses opposées.




Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a demandé un statut d'Etat pour la Palestine auprès des Nations unies. Qu'en pensez-vous ? Les Nations unies doivent-elles soutenir un Etat palestinien sur la base des frontières d'avant 1967 ?



Proinsias De Rossa : C'est probable que les Nations unies disent non si on en vient à un vote formel car les Etats-Unis ont dit qu'ils opposeraient leur véto à une telle demande. Mais quelle en est la justification ? Il n'y a pas de justification dans le droit international, pas de justification morale. Il n'y a pas de contradiction entre être un Etat membre des Nations unies et négocier un statut définitif pour la Palestine. Concernant les frontières possibles, Barack Obama lui-même a dessiné les contours de ce qui doit être la base d'une solution : la Ligne verte de 1967 avec des échanges de terrain. Les Palestiniens y ont dit oui, Netanyahou a dit non. Le blocage vient des Israéliens.



Bastiaan Belder : Tout d'abord, au nom de qui Mahmoud Abbas parle-t-il ? Le Hamas a clairement dit qu'il ne partageait pas sa position. Est-il donc un vrai partenaire dans les négociations de paix avec Israël ? Il y a un processus de réconciliation [entre le Fatah et le Hamas] mais il n'y a toujours pas de gouvernement unifié. Ensuite, quelle est la légitimité d'un président qui a reporté plusieurs élections ? De plus, le problème fondamental est pour moi que Mahmoud Abbas refuse de parler d'une solution à deux Etats, avec un Etat juif à côté d'un Etat palestinien. Il a fait une démarche unilatérale, sans être soutenu par l'ensemble du peuple palestinien. C'est une offensive de propagande de l'Autorité palestinienne, qui est à mon avis faible et divisée.



Qu'est-ce qu'une reconnaissance devant les Nations unies changerait pour les gens au Proche-Orient ?



Proinsias De Rossa : Cela changerait la façon dont ils se considèrent, cela leur donnerait la dignité de faire partie de la famille internationale des nations. Pour le moment ils ne sont qu'une entité aux Nations unies. Sachant qu'ils ont accepté il y a plus de 20 ans que la Ligne verte soit la frontière avec Israël, qui leur donne 22 % de ce qui était le territoire palestinien avant la partition de 1947 par les Nations unies, ils doivent avoir un siège à l'ONU.
Cela met aussi les négociateurs palestiniens au même niveau que leurs homologues israéliens. Il y a une disparité évidente en termes de pouvoir, de ressources, au bénéfice des Israéliens.



Bastiaan Belder : C'est tout le problème : faut-il vraiment que ça change quelque chose ? Mahmoud Abbas veut utiliser une amélioration du statut de l'Autorité palestinienne, par exemple avec un statut d'observateur comme le Vatican, afin de déposer des plaintes devant la Cour pénale internationale. C'est une confrontation, pas la paix ! Abbas a affirmé qu'il faisait cette demande aux Nations unies car il n'y avait pas de vraie proposition de paix. Mais en 2000, Yasser Arafat a refusé des propositions en ce sens par deux fois, et M. Abbas a fait de même en 2008. Je le déplore car cela n'aide aucun des deux peuples.



L'UE est le plus grand donneur d'aide à l'Autorité palestinienne. Quelle doit être sa position ? Est-il même possible d'avoir une position commune ?



Proinsias De Rossa : Malheureusement, jusqu'à présent l'EU n'a pas trouvé de position commune. C'est une erreur de la part de certains Etats membres de croire qu'il faut faire un choix entre la reconnaissance [de la Palestine] aux Nations unies et les négociations. Quand je parle aux Palestiniens, leur seule question est de savoir quand les négociations vont reprendre. Leur pays est mangé peu à peu par les colons israéliens, soutenus par l'Etat israélien. Comme un Palestinien me l'expliquait, c'est comme négocier le partage d'une pizza alors que l'autre partie continue de la manger. Suite au discours de Barack Obama de la semaine dernière, il est clair que les Palestiniens ne peuvent attendre plus de concessions de la part des Etats-Unis avant l'élection présidentielle américaine. L'UE doit prendre l'initiative et agir en tant que médiateur. Tous les Etats européens veulent un Etat palestinien indépendant établi à partir de négociations. Ils ont tous reconnu les progrès énormes que le président Abbas et le Premier ministre Fayyad ont faits en termes de mise en place d'institutions. Il faut être unis pour relancer les négociations et les amener à une conclusion.



Bastiaan Belder : L'UE était observateur et a signé les accords d'Oslo, qui disaient clairement qu'aucune des parties en présence ne prendrait de mesures unilatérales. L'UE doit en rester à sa position et appeler sans ambiguïté les Palestiniens à s'asseoir à la table des négociations avec les Israéliens. Regardez ce que le Quartet (rassemblant les Etats-Unis, l'UE, la Russie et l'ONU, ndlr) demande : des négociations. Israël a accepté et les Palestiniens ont refusé. Ils y réfléchissent à nouveau et j'espère qu'ils reviendront à la table des négociations. L'UE doit être claire là-dessus.



Les interviews ont été réalisées en anglais. Les députés en ont débattu en plénière avec la Haute représentante de l'UE Catherine Ashton mardi 27 septembre.



Photo (Proinsias De Rossa et Bastiaan Belder): D.R.



Source : Parlement européen