Démarré en décembre 2010 en Tunisie avant de se propager à plusieurs pays, le Printemps arabe a marqué de son empreinte l'année 2011. A tel point qu'aujourd'hui, à une semaine de l'annonce du prix Nobel de la paix, de nombreux observateurs s'accordent à penser que l'un des acteurs de cette série d'événements pourrait obtenir la prestigieuse récompense et le million d'euros qui l'accompagne. «Ça serait compatible avec leur (les membres du comité) effort de prêter attention aux avancées potentiellement révolutionnaires réalisées par les peuples et leurs mouvements», a déclaré Bates Gill, directeur de l'Institut international de recherche sur la paix à Stockholm, une organisation indépendante qui étude et analyse l'impact des conflits et des coopérations internationales sur la paix dans le monde. L'institut spécule chaque année sur l'identité des possibles lauréats du prix Nobel de la paix. De son côté, le comité Nobel, qui décerne le prix, a confirmé un nombre record de 241 candidats à la succession de Liu Xiaobo, un dissident chinois.
«Il n'y a pas toujours de leadership identifiable»
Une première difficulté fait néanmoins son apparition. Comme le souligne Kristian Berg Harpviken, il est difficile de définir des figures de proue dans «ce contexte de protestations dans lesquelles il n'y a pas toujours de leadership identifiable». Le directeur de l'Institut de recherche sur la paix à Oslo considère tout de même que certaines personnes pourraient être choisies. C'est le cas d'Israa Abdel Fattah. Cette activiste égyptienne de 30 ans est l'une des fondatrices du «Mouvement du 6 avril», un groupe lancé sur internet en 2008 et qui a activement lutté pour la mobilisation anti-Moubarak. Un autre Egyptien, Wael Ghonim, considéré par le magazine Time comme la personne la plus influente de l'année, fait également partie des noms qui reviennent avec insistance. Emprisonné pendant douze jours par les autorités égyptiennes, ce directeur marketing de Google au Moyen-Orient était devenu l'un des principaux symboles de la révolte de son pays.
Une deuxième femme est considérée par l'institut international de la recherche sur la paix comme étant légitime à l'obtention du Nobel : Lina Ben Mhenni. La jeune Tunisienne a fait état en temps réel de la situation de son pays sur son blog «A Tunisian girl» malgré les nombreuses restrictions concernant internet et les médias dans son pays.
Des «tendances positives»
Si ces choix de personnalités peuvent paraître pertinents d'un strict point de vue idéologique, ils pourraient se heurter à un problème formel. En effet, les nominations pour l'obtention du prix Nobel sont arrêtées au 1er février dernier. A cette période, si la Révolution de jasmin battait son plein, la révolte égyptienne n'en était, quant à elle, qu'à ses prémices. Néanmoins, les membres du comité sont libres d'ajouter leurs propres suggestions à la liste des nominés jusqu'au 28 février, date de leur réunion. A ce moment-là, les mouvements de révolte s'étaient étendus à plusieurs pays tels que le Yémen et la Libye.
Prudent concernant «ce qui va ressortir» du Printemps arabe, Thorbjoern Jagland, président du comité Nobel, n'a pas commenté ses choix. Il a toutefois reconnu les «tendances positives» pour la paix apportées par les mouvements du monde arabe. Le secrétaire du comité, Geir Lundestad, a indiqué que le groupe n'avait pas encore pris sa décision et qu'il lui restait une réunion pour faire son choix d'ici à la semaine prochaine.
Photo : D.R.
Source : le Figaro du 3 octobre 2011