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Publié le 27 Septembre 2010

La semaine des arts et traditions populaires des juifs de Tunisie, une interview de Jean-Pierre Allali

Le CRIF apporte son soutien à la « Semaine des Arts et Traditions Populaires des Juifs de Tunisie » qui aura lieu en octobre prochain à l’Espace Rachi. Qui en sont les organisateurs ?



J’en suis personnellement l’initiateur et la cheville ouvrière. Mon partenaire privilégié est, bien sûr, le Centre Rachi d’Art et de Culture que préside Jean Philippe Reza et que dirige Alain Knafo. Le CRIF, vous l’avez dit, nous apporte son soutien et l’ATPJT (Association « Arts et Traditions Populaires des Juifs de Tunisie) présidée par Bernard Allali comme la FOSF (Fédération des Organisations Séfarades de France) que préside André Dehry, sont parties prenantes.



Quels seront les points forts de la « Semaine » ?



Du 10 au 17 octobre 2010, une activité est proposée chaque soir à 20h30 (le 13 à 18h) à l’exclusion du chabbat. Je pense que tous les temps seront forts. Le 10, ce sera une soirée consacrée aux écrivains juifs tunisiens de langue française. Une rétrospective, mais aussi un éclairage sur la production la plus récente. J’y interviendrais ainsi que le sociologue Claude Sitbon qui viendra tout spécialement d’Israël. Jean Corcos, de Radio Judaïque FM jouera le rôle de modérateur. Albert Memmi, dont l’œuvre immense et fondatrice, sera largement évoquée, m’a assuré qu’il nous honorerait de sa présence. Le 11, on tentera de remonter le temps avec des historiens et des conteurs. J’animerai une table ronde autour de « La saga des Juifs de Tunisie », qui réunira Claude Sitbon, Albert-Armand Marek, Georges Cohen et Frédéric Gasquet. Le 12, on ira au cinéma avec la projection du très beau film de Lucie Cariès : « Bons baisers de La Goulette » en présence de la réalisatrice et de Serge Moati. Le 13, à 18h, donc, aura lieu le vernissage de ma première exposition personnelle. Une exposition intitulée « Mes Tunes » comportant une cinquantaine de toiles et d’aquarelles peintes entre 1985 et 2010. Elles représentent, pour l’essentiel, des personnages juifs tunisiens au début du 20ème siècle. Cette exposition, supervisée par Hannah Landau, directrice des expositions au Centre, a lieu du 5 au 17 octobre 2010. Parallèlement, des gravures anciennes, des documents et des photographies rares de la collection Bernard Allali, seront proposés aux visiteurs. Le 14, on remontera loin dans le temps pour parler des vestiges archéologiques juifs qui témoignent d’une présence juive ininterrompue en Tunisie depuis des millénaires. Bernard Allali introduira le sujet et Jean-Pierre Darmon, directeur de recherches honoraire au CNRS en histoire de l’art et archéologie, expliquera, projections à l’appui, l’état actuel des connaissances sur le sujet. Le 17, enfin, lors de la soirée de clôture, on parlera des « Grands médecins juifs de Tunisie ». L’AMIF (Association des Médecins Israélites de France) dont le président, le professeur Robert Haïat, participera à la table ronde, nous a offert son soutien. Interviendront : le docteur Lucien Moatti, auteur d’un récent travail monumental sur « La mosaïque médicale de Tunisie. 1800-1950 », le professeur Robert Modigliani, le docteur Jean Belaïsch, le professeur Marc Fellous, généticien et Jean Corcos, qui nous parlera de son père, le célèbre docteur André Corcos.



La nouvelle génération s’intéresse-t-elle à l’héritage de ses aïeux ?



Oui. Contre toute attente. Claude Sitbon me disait, il y a quelque temps : « C’est fini ! Nous sommes les derniers des Mohicans ». Eh bien, tout compte fait, l’expérience montre que nous serons, au pire, les avant-derniers des Mohicans. Toute une nouvelle génération d’écrivains comme Karine Tuil ou de cinéastes, comme Lucie Cariès qui n’est autre que la fille de Nine Moati, sont passionnés par la mémoire de la Tunisie d’antan que leur ont narrée leurs parents. D’une manière générale, les Juifs de Tunisie, les « Tunes » sont particulièrement attachés à leur pays d’origine, à leur culture ancestrale et à leurs particularismes, notamment lors des célébrations festives. En témoigne la floraison d’ouvrages de souvenirs et de travaux historiques qui paraissent régulièrement en France, en Israël et ailleurs, sur le sujet.



Avec le temps qui passe, quels sont vos meilleurs souvenirs de la Tunisie ?



L’enfance, après la Guerre. Les jeux dans la rue avec les copains, l’insouciance, le sentiment d’éternité avec nos noyaux d’abricots, nos agathes et nos carozelle au bis (les initiés comprendront). Et, plus tard, peu avant l’indépendance du pays, les surboums et les soirées au Casino du Belvédère. Sans oublier les calèches, les granites, les frigolos et les glaces de chez Bébert, Sidi Bou Saïd et le chameau du Saf-Saf à La Marsa.



Et les plus douloureux ?
L’Occupation Allemande de novembre 1942 à mai 1943. J’étais bien jeune, j’avais alors trois ans, mais je m’en souviens parfaitement. Comme si c’était hier. Pour éviter que les patrouilles allemandes se saisissent de mon père pour le Service du Travail Obligatoire, nous l’avions caché pendant des mois dans une huche à pain sur laquelle on avait installé ma grand-mère impotente. On mourrait de peur quand, lors des alertes, il fallait se précipiter dans les tranchées. Je réclamais, toujours au dernier moment, mon « manteau vert » à ma mère, allez savoir pourquoi. Et, avant la Libération, terribles souvenirs, les bombardements alliés au cours desquels mon oncle Simon, frère de mon père, a trouvé la mort.



Propos recueillis par Haïm Musicant