Gilles Bernheim estime qu'il est de plus en plus difficile d'être musulman en France "dans un climat malsain", qualifiant de "très malade" une société qui cherche des "boucs émissaires", dans une interview publiée samedi par Le Monde.
"Je sais qu'il est souvent difficile d'être musulman en France. Cette difficulté s'alourdit aujourd'hui dans un climat malsain, aggravé par un discours en vogue qui divise au lieu de rassembler", déclare le Grand Rabbin de France, interrogé sur l'opportunité du débat sur la laïcité et l'islam organisé le 5 avril par l'UMP. "Quand une société en est à chercher des boucs émissaires, c'est qu'elle est très malade".
M. Bernheim explique avoir dit au secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé qu'il n"était "pas convaincu" de l'opportunité de ce débat qui risque "de figer les positions, d'organiser les antagonismes et, en l'occurrence - c'est là le plus grave -, de stigmatiser une partie de la population française".
Il ajoute qu'il sera néanmoins présent le 5 avril pour dire "que la laïcité n'est pas une doctrine, qu'elle est moins encore la religion de ceux qui n'ont pas de religion, mais qu'elle est un art de vivre ensemble".
"L'islam étant récent en France, l'harmonie peut être plus longue à venir. Cela dépendra aussi de l'Etat. Il ne doit pas oublier que, si la laïcité exige que les pouvoirs publics ne reconnaissent aucun culte, elle leur impose dans le même temps de n'en méconnaître aucun", poursuit le Grand Rabbin.
Interrogé sur l'observance des rites religieux, il note également que "notre calendrier prétendument laïque est ainsi calé sur les fêtes chrétiennes : un enfant, en France, n'aura jamais à manquer l'école pour pouvoir fêter Noël. Les juifs et les musulmans doivent pouvoir assumer et vivre leurs différences dans le respect de la loi républicaine".
"Mais le véritable enjeu est ailleurs, plus pervers et plus grave : c'est, hélas, la place des juifs et des musulmans dans la société française", relève M. Bernheim, qui rejette toute comparaison entre la situation des musulmans aujourd'hui en Europe et celle des juifs dans les années 30, constituant à ses yeux "un outrage à la mémoire des victimes de la Shoah".
Photo : © 2011 Alain Azria