Hommage à Adam Loss, par Gérard Israël

De la vie, il a connu le pire et le meilleur :

A l’âge de quinze ans, résistant dans les maquis de Biélorussie, parmi des partisans qui attaquaient les Allemands, mais n’hésitaient pas à liquider les juifs, Adam Loss savait que son père avait été fusillé et que sa sœur, assassinée par des Allemands réticents (elle avait l’air aryenne) finissant par céder aux adjurations de paysans polonais. Il réchappa au sort commun des juifs vivant alors dans l’enfer de l’Europe orientale.

Mais Adam Loss connut aussi le meilleur. Arrivé, boursier, dans la France d’après guerre, il comprit très vite que dans ce pays- là, on pouvait marcher au milieu des trottoirs, même si on ne parlait que le yiddish. Le meilleur parce qu’il rencontra Hélène, sa future épouse qui tout au long de leur vie commune durant cinquante années, lui donna la joie de voir grandir quatre garçons qui eux-mêmes, mariés, leur donnèrent des garçons et des filles. Membre pendant trente ans de la Commission d’études politique de CRIF, il évita à son président bien des erreurs.

En 2003, j’eus le bonheur de lui remettre les insignes d’officier de la légion d’honneur.

Il entendit de moi ces mots qui me valurent son sourire étonné et son regard bleu, embué pour l’occasion : « Par votre sens du service et du devoir, vous avez su conquérir le cœur de ceux qui vous entourent. Par l’extraordinaire vivacité de votre esprit vous avez su convaincre ceux qui hésitaient…ceux qui doutaient. »

Puis une porte s’est fermée.

Adam Loss a plongé, durant ses dernières années, en une chute irrémédiable, dans la nuit de sa vie.