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Publié le 24 Décembre 2007

Hélène Mandroux, maire de Montpellier : «C’est une excellente chose que d’avoir un interlocuteur comme le CRIF qui fédère toutes les associations de la communauté juive avec l’expression de toutes les sensibilités.»

Question : Madame le maire, vous êtes médecin et maire de Montpellier, avez-vous trouvé des synergies entre votre métier de médecin et la fonction de maire ?


Réponse : Oui en effet ; Un médecin acquiert des attitudes qui sont ensuite précieuses. En effet, un médecin est rompu à l’écoute du patient dans une relation singulière, éthique et confidentielle. On attend beaucoup du médecin qui est amené à donner des conseils et à guider. Ces comportements perdurent dans mon activité de maire tout naturellement.
A force de s’occuper de la santé des gens, on est amené à analyser ce qui joue un rôle sur leur bien être et à vouloir agir sur cet environnement. C’est ainsi que dès 1985, J’ai sollicité auprès de Georges Freche, alors maire de la ville, l’adhésion de Montpellier au réseau des villes Santé de l’OMS. Quand on va soigner un malade dans une tour, on perçoit bien l’impact de l’environnement, du logement et du social sur la santé : les nuisances sonores, les tensions entre voisins, le chômage, les problèmes des enfants….tout rejaillit sur les relations, sur la qualité de vie, sur la santé! J’ai très vite ressenti que l’environnement et la santé étaient intimement liés, l’un rejaillissant sur l’autre.
Question : Vous êtes presque à la fin de votre premier mandat, quels sont les atouts de cette ville ? Quels seront les enjeux pour l’avenir ?
Réponse : Montpellier est devenue la huitième ville de France. Des atouts anciens ont permis d’atteindre ce niveau de développement : c’est son université, sa recherche, ses étudiants. C’est une ville universitaire qui reçoit de plus en plus d’étudiants étrangers ; c’est une véritable richesse car ces étudiants deviennent autant d’ambassadeurs pour la ville quand ils retournent dans leurs pays. Cela fait partie intégrante de sa carte d’identité.
Un autre point d’identité que j’ai revendiqué dès le début, c’est son rôle de capitale au sein d’une très grande région viticole. Montpellier a gardé ce noyau fort et a continué à se développer ; elle n’a pas vécu la révolution industrielle du 19eme siècle ce qui fait que la ville ne compte pas de friches industrielles à rénover.
La ville grandit de façon régulière et nous avons des réserves foncières pour accompagner ce développement intra muros jusqu’en 2020-2030. C’est très rare ! S’ajoutent à cela les capacités de développement concertées de la communauté urbaine. On sait à présent que, dans la dynamique du développement durable, il faut préserver l’espace, limiter les trajets et les nuisances corrélées, optimiser les temps de trajets et préserver de l’espace pour des espaces verts ou des équipements publics … Le temps du « tout pavillonnaire » est révolu et notre réserve foncière nous offre la capacité de développer Montpellier en respectant les exigences du développement durable.
Question : Quel rôle pourrait jouer Montpellier dans les projets européens (l’espace euro Méditerranée en devenir) pour le sud et le pourtour méditerranéen ?
Réponse : La ville a un atout majeur, c’est sa situation géographique extraordinaire : c’est un pole de centralité au sud de l’Europe, entre Barcelone, Toulouse, Lyon et Marseille ; cela légitime les ambitions de développement de Montpellier dans un cadre équilibré : création d’une communauté urbaine, doublement de l’aéroport actuel etc. nous avons l’espace pour doubler notre aéroport et en faire un grand aéroport international. On comprend mal qu’il y ait autant de petits aéroports dans un espace aussi restreint autour de Montpellier : Nîmes, Béziers, Perpignan, Millau, Mende. Si on compare au Sud Est de la France, les aéroports ont été réalisés seulement à Marseille et à Nice.
Question : Montpellier ‘’la surdouée’’ est jumelée avec Tibériade. Quand s’est fait votre dernier voyage à Tibériade ?
Réponse : Durant l’été 2006, j’ai passé 48 heures à Tibériade, avec Hubert Allouche Président du CRIF Montpellier - Languedoc Roussillon. C’était au moment où la ville essuyait des tirs permanents du Hezbollah à partir du sud Liban ; la population civile était contrainte de vivre dans les abris.
C’est un voyage dont certains ont beaucoup parlé, soit pour m’en féliciter soit pour me critiquer. Ce que je tiens à dire, c’est que si c’était à refaire, je recommencerai sans hésiter. Quand on est jumelé avec une ville, on se doit de marquer sa solidarité avec sa population civile en cas de coup dur. J’ai tenu à exprimer cette solidarité et le maire de Tibériade est venu ensuite à Montpellier avec son premier adjoint en juin 2007. Un jumelage n’est pas seulement théorique, il doit s’exprimer dans le cadre d’échanges réguliers culturels, économiques, humains ainsi que dans les situations de grande difficulté ; si demain, la ville de Montpellier subissait un tsunami, puisque nous sommes en bord de mer, j’apprécierais que le maire de Tibériade vienne aider la population de ma ville.
Question : Quel est votre sentiment vis-à-vis des perspectives de paix entre Israël et L’Autorité Palestinienne ? Pensez vous que la paix est proche ?
Réponse : Si je pouvais lire dans le marc de café…j’aimerais pouvoir dire que la paix est pour demain. La première fois que j’ai été en Israël, dans les années 1993-1994, il y avait un très fort espoir de paix .J’avais parcouru tout le pays, la bande de Gaza, Bethlehem, Jérusalem. Partout il y avait une joie énorme ; les enfants, les adultes, tout le monde croyait à la paix. Les gens étaient heureux ... Je crains que le chemin ne soit encore long mais je ne perds pas espoir et je veux pouvoir vous dire qu’on va y arriver.
Peut être que les femmes pourraient aider à accélérer pour la paix …en interpellant les gouvernements car les valeurs de paix et de vie sont très vivaces chez elles. C’est surtout à travers l’éducation que leur rôle est primordial : Elles pourraient faire passer l’envie de bâtir deux pays vivant en paix côte à côte et éloigner ainsi le terrorisme. Comment voulez vous que ces enfants, qui n’ont connu que la guerre, sachent respecter celui qui vit de l’autre coté de la frontière. C’est avant l’âge de sept ans, avant que les acquis ne soient figés, que les femmes doivent inculquer ces messages. Il faudrait travailler avec cet enfant de la guerre car il sera l’adulte de demain et qu’il a besoin d’aide pour bâtir la paix qu’il n’a jamais connue.
J’aimerais dire à quel point l’avenir de cette région du globe nous concerne tous, quel que soit nos religions, nos convictions ou notre athéisme. Toute la civilisation méditerranéenne est partie de là, c’est le berceau de notre civilisation et on ne peut rester indifférent au devenir d’une terre qui porte nos racines.
Question : Revenons à Montpellier. Vos relations avec la communauté juives sont très amicales et Vous avez des contacts réguliers avec le CRIF ; Est-ce important pour vous ?
Réponse : Je dois dire que c’est une excellente chose que d’avoir un interlocuteur comme le CRIF qui fédère toutes les associations de la communauté juive avec l’expression de toutes les sensibilités.
J’ai évoqué les atouts de la ville tout à l’heure et je voudrais insister sur LA DIVERSITE qui permet de VIVRE ENSEMBLE dans le respect des différences ; je respecte beaucoup les communautés mais je ne suis pas pour le communautarisme. A cet égard aussi, le CRIF est un interlocuteur important, pour que l’identité s’exprime avec une inscription dans la Cité. Etant donnée l’histoire du 20ème siècle, il est normal qu’à la libération, les Juifs de France aient éprouvé le besoin de mettre des clignotants d’alerte et des gardes fous pour ne plus revivre un tel séisme. Le CRIF est venu répondre notamment à ce besoin et c’est un interlocuteur de choix pour un maire, du fait de son pluralisme. Je fais moi-même très attention au moindre signe qui pourrait annoncer un séisme et c’est le devoir de chacun d’en faire autant. En tant que maire, je n’ai que des citoyens, des montpelliérains, tous égaux, qu’ils soient croyants ou non. C’est ainsi que je considère toux ceux qui se sont associés à la ville.
Question : Hélène Mandroux, si vous aviez une baguette magique, que lui demanderiez-vous pour votre ville ?
Réponse : Ma plus grande ambition pour la ville de Montpellier, c’est que ce soit une ville symbole de paix, de vivre ensemble, une ville d’harmonie…une ville ambitieuse et prospère mais une ville qui partage, une ville solidaire. Pour moi, c’est ça Montpellier, c’est la ville du sud où chacun se réalise dans un projet commun, dans un projet ambitieux et dans le respect des autres.
Propos recueillis par Perla Danan avec la collaboration de Marc Knobel