Pensez-vous qu'Israël soit tombé dans un piège comme on peut le dire à Jérusalem ?
Frédéric Encel : Oui. Dans tous les cas, les Israéliens étaient perdants : soit ils permettaient à la flottille d'accoster à Gaza et c'était un signe de faiblesse et une victoire pour le Hamas, pour l'Iran et le Hezbollah, d'autant plus qu'un mouvement islamiste radical turc proche du Hamas (l'IHH) a participé à l'opération, soit ils arraisonnaient la flottille comme ils l'ont fait, et ils auraient de toute façon essuyé des critiques car le volet principal de cette opération était humanitaire.
Sur le plan diplomatique, la réprobation est unanime, même de la part des alliés traditionnels d'Israël...
C'est une défaite sur le plan médiatique et politique. L'isolement d'Israël est sûrement plus fort qu'auparavant. Rappelons d'ailleurs qu'il y a quelques jours, il rejoignait l'OCDE à l'unanimité de ses 31 membres ! Mais il y a un bémol : ce n'est pas la première fois et la dernière fois qu'Israël suscite la réprobation. D'ailleurs, à part la Turquie qui joue la politique du pire avec Israël déjà depuis trois ou quatre ans, les autres puissances restent quand même prudentes. Chacune pour des raisons qui leur sont propres. La France souhaite par exemple pouvoir continuer à arraisonner des bateaux dans le golfe d'Aden... Il n'y a d'ailleurs rien dans les conventions internationales qui empêche un État d'arraisonner dans les eaux internationales un navire transportant une cargaison suspecte.
Israël peut-il accepter une commission d'enquête internationale ?
Tout dépend des conditions qui seront fixées à cette commission mais je pense qu'il pourrait y avoir une telle enquête sous l'autorité de l'ONU. Parallèlement, une enquête israélienne va se dérouler pour déterminer ce qui s'est passé. En Israël, ce genre de commission est sérieuse, elle peut faire tomber le gouvernement même si, dans ce cas précis, cela n'arrivera pas. Tout simplement parce que la critique porte plus sur la forme de l'intervention que sur le fond, c'est-à-dire l'application du blocus à la bande de Gaza.
Le processus de paix est-il à nouveau en péril ? Mahmoud Abbas n'est-il pas fragilisé par l'intervention israélienne ?
Le président de l'Autorité palestinienne sera affaibli comme d'ailleurs à chaque fois qu'il y a un coup de tabac entre Israël et le Hamas. Mais Netanyahou devrait discuter avec Mahmoud Abbas, s'il ne veut pas laisser le champ libre au Hamas.
(article publié au point.fr, ce mercredi 2 juin 2010)
Photo : D.R.