Quand Dora Weinberger, 80 ans, raconte le sauvetage de son père par un prêtre catholique tout en tenant la main de Capucine Mezeix, arrière-petite-nièce de ce curé, Arthur Sentex, elle ne peut retenir ses larmes.
"Imaginez, mon père caché dans le clocher de cette église en 1942 et aujourd'hui, 70 ans après, je peux enfin rendre hommage à l'homme qui, au péril de sa vie, a sauvé mon père", confie-t-elle au groupe de descendants des Justes dont beaucoup ont les yeux rougis.
Arthur Sentex, archiprêtre de Lectoure (Gers, sud-ouest de la France), a aidé plusieurs juifs à échapper à la déportation, dont le père de Mme Weinberger, qui se souvient avoir apporté secrètement, alors qu'elle n'avait que 11 ans et était elle-même cachée ailleurs, de la nourriture dans le clocher de l'église Saint-Esprit à Lectoure.
Le père Sentex, mort en 1947, a été reconnu comme Juste des Nations à titre posthume en décembre 2010.
Ce titre donné par l'Etat d'Israël aux personnes ayant sauvé des Juifs pendant la Shoah a été décerné à 3.158 personnes.
Pour Capucine Mezeix, qui vit à Grenoble, "ce voyage est l'occasion de montrer un autre visage de la France que celui de la France qui a collaboré". "Je suis fière de faire partie de sa famille (d'Arthur Sentex), mais c'est aussi un devoir, celui de transmettre ces valeurs, de ceux qui ont su dire non à l'oppression", souligne-t-elle.
Le voyage de cette délégation de 19 descendants de Justes a été organisé par la Fondation France-Israël, présidée par l'ancienne ministre Nicole Guedj.
"L'histoire des Justes parmi les Nations est empreinte de courage, de dévouement et d'humilité. Nous voulons transmettre cette histoire en exemple aux jeunes générations françaises et israéliennes", dit-elle.
La délégation a assisté lundi matin à la cérémonie officielle à Yad Vachem en présence de personnalités de l'Etat d'Israël avant de visiter ce mémorial consacré à l'étude et à la mémoire de la Shoah.
Deux des membres du groupe ont déposé une gerbe avant que la délégation ne se rende dans "l'allée des Justes", où les jeunes Français ont pu voir les noms de leurs parents gravés dans la pierre.
La délégation a assisté également lundi à la cérémonie organisée par "Aloumim", l'Association des enfants cachés en France, qui a lieu au mémorial de Roglit, dans une forêt proche de Jérusalem, devant un mur en pierre de taille recensant les noms des 80.000 Juifs déportés de France.
C'est Marie-Alix de Lepinay, une jeune femme de 27 ans qui a pris la parole au nom du groupe pour évoquer "l'héroïsme" de ses ancêtres, Germain et Simone de Saint-Seine, qui ont caché pendant la guerre une famille juive.
"Nous devons à notre tour transmettre cet héritage de valeurs que nos ancêtres nous ont léguées", affirme cette mère de deux filles.
Shlomo Balsam, président d'"Aloumim", a souhaité la bienvenue à la délégation française "car nous sommes de la même famille".
Photo : D.R.
Source : l’Express