Christophe Bigot est ambassadeur de France en Israël depuis Septembre 2009. Il a été conseiller du ministre des Affaires étrangères sur les affaires du Moyen-Orient et a servi comme adjoint au précédent ambassadeur, de 2004 à 2007. «Si mon premier engagement était le fruit d’une décision diplomatique, ma prise de poste en tant qu’ambassadeur a été mon choix personnel », dit-il. «J'aime la complexité de ce pays et son intensité, et j'aime la chaleur du Moyen-Orient. La France a des liens étroits avec le peuple juif - nous avons eu des hauts et des bas. Je ne suis pas juif, mais il est facile d’avoir de l'affection pour ce pays, sans être juif », poursuit l’ambassadeur.
Comment vous sentez-vous lorsque vous voyez les non-Juifs en Israël… qui n'ont pas de droits, et pour lesquels il est presque impossible d'obtenir la citoyenneté?
C'est vrai, il ya des différences .... Je pense qu'il est impossible de ne pas tenir compte de l'objectif d'établissement cet Etat, conformément à la résolution des Nations Unies, qui a été de créer un foyer pour le peuple juif… en tant que Français, nous soutenons les droits humains partout, et ici aussi. Et cela fait partie de notre travail, ici, d'essayer de travailler sur toutes ces questions avec les partenaires israéliens.
Pensez-vous qu'un pays peut être un Etat juif et un État démocratique, en même temps?
… ce que je peux dire, c'est que ce pays a été capable d’accueillir des millions de Juifs, de créer et de maintenir des institutions démocratiques telles que la Cour suprême, la Knesset, ainsi que la liberté des médias avec beaucoup de succès… Parfois, ils se contredisent et cette contradiction peut se transformer en quelque chose d'efficace.
La France est-elle une démocratie stable?
Elle a été assez stable au cours des 60 dernières années. La démocratie est un combat quotidien, rien ne peut être tenu pour acquis. Nous ne sommes pas parfaits, nous avons nos défauts. Par exemple, celui de l'intégration des immigrants, en particulier dans les deuxième, troisième et quatrième générations. C'est un problème que nous avons à traiter.
Pensez-vous qu’Israël traite ses problèmes avec les étrangers de la bonne façon?
Ce n'est pas mon rôle de juger ni de donner des leçons au gouvernement israélien. Chaque pays a ses propres règles concernant les étrangers. Je peux simplement dire que la politique en France est moins restrictive.
Vous êtes sur le point d'adopter une loi qui interdit aux femmes de porter la burka en public. Certaines personnes considèrent que cette mesure est dirigée contre les musulmans.
Je sais qu'il ya des gens qui considèrent cela comme une question du droits des femmes - le fait qu’une famille et un mari ne devrait pas obliger une femme à porter la burka. Nous voyons cela comme un moyen d'intégrer les femmes musulmanes dans la société française, ce qui est un objectif important pour nous. La vérité est que la plupart des musulmans en France conviennent que le port de la burka est un comportement extrémiste qui ne caractérise pas les musulmans de France dans leur ensemble.
… Le journal britannique The Sunday Times a rapporté qu’Israël a posté en station trois sous-marins équipés de missiles nucléaires au large de la côte de l'Iran. La conduite d'Israël concernant l'Iran est-elle correcte?
Je n'ai pas d’informations à ce sujet, mais l'Iran est une menace non seulement pour Israël mais pour tous les pays du Moyen-Orient, les régimes qui soutiennent la non-prolifération nucléaire, et même pour ses propres citoyens. C'est pourquoi il est si important que la diplomatie soit très, très active sur ce problème et de trouver une solution pacifique à cette menace.
En d'autres termes, Israël ne doit pas envisager une action militaire?
En d'autres termes, je pense que les choses doivent se faire par l’intermédiaire de la communauté internationale, l'Organisation des Nations Unies et le Conseil de sécurité, parce que c'est la seule façon de donner une légitimité internationale à l'action. Et je pense que, jusqu'à présent, Israël a compris que c'est aussi dans son intérêt de trouver une solution par des moyens pacifiques…
(Entretien publié dans Haaretz du 31 mai 2010)
Photo : D.R.