Daniel Saada, vous êtes actuellement à Haïti avec une mission israélienne. Qui la compose et quel sont ses buts ?
Dés l'annonce de la catastrophe humanitaire qui a suivi le tremblement de terre qui a ravagé Haïti le mardi 12 janvier dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé qu'Israël ne pouvait rester indifférent à une telle tragédie et a ordonné que les préparatifs d'une mission humanitaire se mettent immédiatement en place.
Israël a acquis ces dernières années une véritable expertise en matière de gestion des crises humanitaires basée en partie sur l'expérience liée à la confrontation aux attentats terroristes.
Le commandement général de la défense civile de Tsahal s'est organisé très rapidement pour que la logistique nécessaire à la mise en place d'un hôpital de campagne soit réunie en même temps que les équipes de secouristes spécialisées dans la recherche de survivants dans les décombres, notamment avec l'aide de chiens spécialement dressés. Etait également mise sur pieds une unité de la DVI (Disaster Victim identification) de la police israélienne
Dès le jeudi 14 janvier au matin nous étions prêts et nous avons affrété deux jumbos de la compagnie El Al.
Le ministère israélien des affaires étrangères a coordonné l'ensemble de l'opération, obtenant notamment les autorisations de survol et d'atterrissage nécessaires à ce très long périple plus de 20 heures de vol!) , en même temps qu'un avant poste diplomatique constitué par notre ambassade à Saint Domingue voisin s'est déployé sur place pour assurer la logistique de l'arrivée.
Nous avons atterri a Haïti vendredi 15 janvier en fin de journée.les équipes de secouristes, notamment les maitres chien se sont immédiatement déployées dans les zones sinistrées. Le samedi matin 16 janvier, l'hôpital de campagne était opérationnel commençant à apporter les soins nécessaires à une population très durement éprouvée.
Une antenne chirurgicale travaille sans cesse –trois équipes se relaient - aux cotés d'une unité de soins intensifs, de traumatologie, d'orthopédie, de gynécologie ,de médecine interne et de pédiatrie comprenant aussi -un fait unique dans l'ile - une unité de néonatologie! Un bébé prématuré de 27 semaines a d'ailleurs vu le jour dans cet hôpital que nous avons baptisé "l'hôpital shalom".
A l'heure où je m’adresse à la newsletter du CRIF, plus de 150 opérations chirurgicales ont été effectuées, 350 blessures graves ont été traitées et des centaines de blesses légers ont reçu les soins appropries.
Comment les Haïtiens vous accueillent-ils ?
Les Haïtiens sont sous le choc. L’ampleur de la catastrophe est énorme. Plus rien ne sera jamais comme avant ici où il faut tout reconstruire. L'accueil réservé à toutes les missions humanitaires est évidemment très positif mais il semble qu'Israël bénéficie d'une sympathie liée a la fois à la rapidité avec laquelle nous sommes intervenus et aussi à la très haute capacité de nos équipes.
Que ressent-on quand on est confronté à une telle tragédie ?
Un sentiment d'injustice. Injustice pour ces populations durement éprouvées par des conditions de précarité extrême que le séisme n'a fait qu'amplifier. Une injustice aussi liée au fait que l'on ressent ici très nettement la démesure de la mobilisation permanente du monde occidental en faveur des Palestiniens alors qu'à Haïti c'est un peuple et un pays tout entiers qui sombrent depuis des années dans le chaos de la souffrance dans l'indifférence du monde. Un sentiment de fierté aussi de voir Tsahal porter si haut les valeurs d'humanité et d'entraide.
Pourquoi Israël a-t-il envoyé une mission humanitaire à Haïti ?
Israël ne peut pas rester indifférent face aux souffrances des populations civiles. Ce sont nos valeurs en tant qu'état juif qui nous ont conduits à agir tout au long de notre existence pour porter secours et tendre la main a chaque fois que cela a été nécessaire. Depuis 1994 et le déploiement d'une mission humanitaire au Rwanda lors du génocide, Tsahal est intervenu à neuf reprises lors de catastrophes ou de conflits - notamment en Turquie ou en Inde après des séismes, au Kenya après l'attentat terroriste contre l'ambassade américaine ou au Kosovo lors de la guerre qui a si durement éprouvé les populations civiles.
Quelles sont les relations entre Port-au-Prince et Jérusalem ?
Haïti fait partie des 33 pays qui ont eu le privilège de voter la résolution 181 - la création d'un état juif. Nous ne l'oublions pas. Nous avons longtemps maintenu une ambassade à Port-au-Prince. Ces dernières années c'est notre ambassadeur à Saint-Domingue au nord de l'ile qui assure le maintien de ces relations de qualité.
Comment imaginez-vous la reconstruction du pays ? Israël va-t-il y participer ?
Il faut agir vite pour empêcher le chaos de s'installer. Les Haïtiens savent qu'ils ne peuvent pas s'en sortir sans une aide massive. Il ne faut pas les décevoir. Israël remplira ses devoirs dans le cadre de la mobilisation internationale qui se met en place mais aussi au plan bilatéral .Nous partagerons notre expertise dans des domaines que nous maitrisons. Je pense notamment au secteur de l'agriculture.
Propos recueillis par Haïm Musicant
Photo (images exclusives de l’hôpital de campagne de Tsahal à Port-au-Prince) : © 2010 CRIF