Depuis 1998, date à laquelle Oussama Ben Laden avait déclaré, depuis l'Afghanistan, les hostilités «aux Juifs et aux croisés», les combattants islamistes internationalistes n'ont cessé d'améliorer les armes de leur «guerre sainte» à l'Occident. La totalité des terroristes musulmans du 11 septembre 2001 avaient des passeports arabes (saoudiens, yéménites, égyptiens), sur lesquels les consulats américains avaient, faute de coordination avec la CIA, apposé des visas en bonne et due forme. La nouveauté est que les mouvements terroristes islamistes internationalistes recrutent désormais, en priorité, dans les milieux de l'immigration, des musulmans détenteurs de passeports européens.
Lundi 4 octobre, huit islamistes, dont cinq porteurs de passeports allemands, ont ainsi été tués par l'explosion de deux roquettes tirées d'un drone de la CIA sur une mosquée de la ville de Mir Ali, au Waziristan du Nord. L'une des 7 Zones tribales autonomes pakistanaises, le Nord-Waziristan, bastion montagneux aux accès difficiles, est devenu le sanctuaire de tous les mouvements islamistes agissant dans la région, que ce soit au Cachemire, au Pendjab, en Inde, en Afghanistan ou en Ouzbékistan.
Les services de sécurité américains et européens tentent de repérer les jeunes Occidentaux qui entreprennent des voyages au Pakistan ou dans d'autres pays connus pour abriter des militants islamistes, afin d'y recevoir un entraînement d'al-Qaida ou de ses alliés. Une étude de chercheurs américains et suédois, publiée vendredi dernier, estime que la connaissance qu'ont les services de renseignement occidentaux sur la menace représentée par les musulmans vivant en Europe et candidats au djihad international, pourrait se limiter «à la partie émergée d'un problème bien plus vaste, non détecté et sur lequel il n'existe aucune donnée».
Les militants islamistes disposant de passeports de pays occidentaux et dont le casier judiciaire est vierge peuvent en effet se déplacer tranquillement sans attirer l'attention des autorités, qu'elles soient françaises, allemandes, anglaises, pakistanaises, indiennes ou afghanes. «La connaissance que ces combattants ont des cibles qu'ils visent fait que leur capacité à causer des dégâts est encore plus grande», indique le rapport de l'Institut pour la politique de sécurité intérieure de l'Université George-Washington.
Les services de renseignement occidentaux ont mis tout récemment au jour des projets d'attentats liés à al-Qaida au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, sur le modèle des attaques de Bombay (décembre 2008), lesquels ont provoqué de spectaculaires «mesures de précaution», comme l'évacuation de la tour Eiffel. Les premiers renseignements concernant ce complot provenaient d'Ahmad Siddiqui, un ressortissant allemand détenu depuis le mois de juillet dans la base américaine de Bagram, en Afghanistan. Ce citoyen allemand d'origine afghane était parti de Hambourg en mars 2009, pour faire le djihad, emmenant avec lui dix autres apprentis terroristes. Le groupe - aidé dans ses pérégrinations par un islamiste d'origine algérienne titulaire d'un passeport français - fut accueilli par le MIU (Mouvement islamique d'Ouzbékistan) à son arrivée dans les Zones tribales pakistanaises. Curieusement, c'est aussi de Hambourg que Mohammed Atta, le chef des commandos des attentats du 11 Septembre, prépara son coup. Égyptien boursier en architecture du gouvernement allemand, Atta avait obtenu de son université l'ouverture d'une «salle de prière». Cette dernière était équipée d'une liaison Internet, à l'aide de laquelle Atta put correspondre, à travers le monde, avec toutes les autres parties au complot.
Sur les 200 musulmans titulaires de passeports allemands ou de cartes de séjour de longue durée en Allemagne, qui ont fait, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le voyage du Pakistan, afin d'y recevoir un entraînement militaire de la part des groupes islamistes agissant dans les Zones tribales, 65 auraient effectivement réussi à obtenir la formation militaire (notamment dans la fabrication des explosifs) de leurs rêves.
Obsédés par le principe de précaution, les gouvernements occidentaux ont-ils surréagi à l'information venue du prisonnier allemand de Bagram? Quoi qu'il en soit, pour ces islamistes - qui n'ont aucune chance concrète de rétablir un jour le grand califat de leurs rêves, mais qui vivent de la peur qu'ils inspirent -, avoir réussi à faire évacuer le monument touristique le plus célèbre du monde représente déjà un succès inespéré.
Article publié dans le Figaro du 6 octobre 2010
Photo : D.R.