Réponse : Oui je le suis, je pense que nous avons réussi à éviter le pire, malgré tout. Le texte final de la conférence suit plus ou moins les lignes rouges qui avaient été fixées et la conférence ne s’est pas transformée en un pugila antijuif.
Question : Mais, Mahmoud Ahmanidejad est quand même venu, il a d’ailleurs été fort bien reçu. Il a tenu des propos foncièrement antisémites lors de son allocution…
Réponse : Les propos d’Ahmanidejad étaient inacceptables et sa venue à la conférence était totalement inappropriée et particulièrement honteuse, mais on peut saluer la position des européens qui ont quitté la salle au début de son discours.
Question : Certes. Mais vous savez que quatre pays avaient pourtant renoncé dès le départ à participer à la conférence de Genève par crainte justement de débordements iraniens (l’Italie, la Pologne, l’Allemagne et les Pays-Bas). Enfin, parmi les pays qui ont fait le déplacement, la République Tchèque a choisi de se retirer définitivement…
Réponse : En effet. Mais, même si les propos d’Ahmadinejad ont été inacceptables, 22 pays européens ont voulu assister à la totalité de la conférence de Genève, pour défendre les valeurs de l’Europe. Et il me semble qu’ils ont considéré avec succès que la question de la diffamation des religions n’apparaitrait plus dans la déclaration finale de 2009 et que l’Etat d’Israël ne serait pas non plus mentionné.
Question : Pourtant la déclaration finale de 2009 réaffirme en son article 1 la primauté de la déclaration et du programme d’action de Durban, en 2001. Et vous savez aussi que dans cette déclaration de 2001, les articles 63, 64 et indirectement l’article 65 mentionnaient le seul Israël. Qu’en pensez-vous ?
Réponse : Le problème remonte à 2001. Tous ces pays européens ont accepté et ratifié le programme d’action. Bref, pour eux en 2001 (comme en 2009) ces articles ne posent pas le moindre problème.
Et pour vous ?
Réponse : Nous avons toujours déclaré qu’il est inacceptable que, dans un texte traitant de racisme en général, le seul pays mentionné par ailleurs et le seul pays à être critiqué soit Israël.
Question : En 2008, les pays musulmans ont fait voter une résolution interdisant « la diffamation des religions », notamment grâce au soutien de Cuba et de la Chine ! Ils rêvaient depuis d’introduire ce concept dans la plate-forme contre le racisme. Plus tard, l’un des points les plus discutés de Durban 2 a été justement l’article 12 de cette déclaration. Je cite : « Déplore l’augmentation globale du nombre d’incidents imputés à l’intolérance raciale et religieuse, notamment l’islamophobie, l’antisémitisme, l’antichristianisme et le racisme anti-arabe, qui se manifeste en particulier par des stéréotypes négatifs ou la stigmatisation de personnes basée sur leur religion ou leur croyance. » Etes-vous satisfaite de la teneur de cet article 12 ?
Réponse : Non bien sûr que non. A nouveau le terme d’anti-arabisme a été inventé en 2001 et l’on sait que c’est un sujet problématique. Nous pensons que les pays européens qui ont assisté à l’intégralité de la conférence ont voulu obtenir une sorte de consensus et pour eux il était probablement plus important que le Proche-Orient ne soit pas mentionné ainsi que la question de la diffamation de la religion. Dans cet esprit de consensus, ils ont fermé les yeux sur ces différents aspects.
Question : Etes vous contente de la mobilisation qui, en parallèle de la conférence officielle, a rassemblé à Genève tout ceux qui se battent contre l’antisémitisme et pour les droits de l’homme?
Réponse : Je suis très satisfaite. Je pense que par rapport à 2001 le monde juif et tous ceux qui luttent vraiment pour préserver et défendre les valeurs européennes et démocratiques sont venus en masse pour prendre la parole et mettre en place ce réel agenda.
Question : Et votre collaboration avec le CRIF ?
Réponse : Elle a été excellente et je tiens à remercier le CRIF pour tous ses efforts constants. La mobilisation des communautés et des organisations juives de France a été massive et a contribué au succès des événements parallèles durant la conférence de Durban2.
Propos recueillis par Marc Knobel