Je dirai avant tout que c'est une loi qui était inéluctable.
En effet, le texte que l'assemblée nationale vient d'adopter est un texte qui adapte notre droit pénal au statut de la cour pénale internationale.
Ce texte s'inscrit dans le prolongement des engagements internationaux de la France qui a été l'un de moteurs de la création de la CPI et dont on connait l'engagement dans le domaine des droits de l'Homme.
A ce titre, la loi prévoit la possibilité pour les juridictions françaises de disposer d'une compétence extraterritoriale, c'est à dire la compétence pour connaitre de faits de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre qui n'ont pas été commis en France.
Fort heureusement, cette compétence est largement encadrée pour éviter l'engagement de poursuites sans fondement contre des dirigeants politiques ou militaires de pays amis de la France, faisant l'objet de rapports mettant en cause de manière très discutable la politique de ces pays.
Je pense notamment au rapport Goldstone que tous vos lecteurs connaissent.
Le cadre prévu par cette Loi empêchera toute instrumentalisation de la Justice.
Ce texte est bon en raison de son équilibre: absence d'impunité pour les génocidaires et complémentarité avec le rôle des juridictions internationales et étrangères.
2. Pourquoi a-t-il fallu attendre deux ans après son vote au Sénat ?
Vous savez certainement que le gouvernement n'a plus la maîtrise que de la moitié de l'ordre du jour du Parlement.
Je crois que d'autres textes ont du être examinés prioritairement.
Mais il me semble que l'on peut dire que la France a tenu ses engagements internationaux vis à vis de la CPI dans un calendrier très proche des autres Etats parties au statut de Rome.
3. La coalition internationale pour la Cour pénale internationale a exprimé sa « consternation » estimant que « les Eichmann ou les Pinochet de demain pourront venir en France sans risque d'être inquiétés ». Qu'en pensez-vous ?
C'est tout simplement faux et c'est méconnaitre l'Histoire que de dire cela : les génocidaires sont par définition poursuivis par les Etats où les faits ont été commis qui émettent des mandats d'arrêts internationaux diffusés partout dans le monde et notamment en France.
Sur la base de ces mandats, tout génocidaire présumé peut être interpellé et placé sous écrou extraditionnel.
Par ailleurs, la cour pénale internationale, compétente pour connaitre de ces faits peut également émettre des demandes de remise d'individus présumés génocidaires.
Je crois savoir que la politique de la France en la matière est claire : elle remettra tout individu recherché par la justice internationale ou les juridictions étrangères selon les principes juridiques en vigueur.
Les Eichmann et Pinochet de demain n'ont aucune chance de trouver refuge en France.
En revanche, et c'est le sens de la loi telle que le gouvernement l'a défendue, il est exclu de permettre à des juridictions françaises d'être instrumentalisées à des fins politiques ou partisanes.
Photo : D.R.