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Publié le 22 Février 2008

Ariel Goldmann, vice-président du CRIF : «Il y a de vrais amis des Juifs à gauche et à droite»

Question : Vous êtes le fils de l’ancien Grand Rabbin de Paris, Alain Goldmann. N’avait-il pas rêvé que vous soyez vous aussi un Rabbin ? Et, de quelle façon a-t-il influencé votre judaïsme ?


Ariel Goldmann : Il faudrait lui poser la question et le lui demander. En l’occurrence aucun de ses trois enfants ne l’est devenu à ce jour… Cependant, nous sommes attachés à la pratique religieuse et je pense que mon engagement communautaire est lié à tout cela. Je veux ici dire à mon père et à ma mère combien je leur suis reconnaissant pour toute l’éducation qu’ils nous ont prodiguée.
Question : Vous êtes un militant de longue date. Vous êtes également vice-président du CRIF. Pourriez-vous nous expliquer quel a été votre parcours militant et quelles ont été vos motivations ?
AG : Je pense que cela remonte donc quasiment à l’enfance. Comme vous le savez, je suis issu d’une famille dont l’engagement communautaire a été permanent, avec mes parents et grands parents. Par la suite, j’ai fréquenté différents mouvements de jeunesse puis, j’ai fait un petit détour par la politique au sens large. J’ai pris des fonctions actives dans la communauté à partir de l’année 1994. J’ai été élu au Comité directeur (Cd) du Fonds Social Juif Unifié (FSJU) cette année là puis au Cd du CRIF, en 1995. Enfin, j’ai été élu au Bureau exécutif du CRIF en 2001 et à la vice-présidence de notre Institution, en 2007.
Question : Quel a été le détour politique que vous mentionnez :
AG : J’ai été membre du Parti socialiste et pour ne rien vous cacher j’ai démissionné de ce parti au moment de la visite de Yasser Arafat à Paris, en 1989. Je ne suis plus encarté politiquement.
Question : Vous en voulez encore à la gauche ?
AG : J’en veux principalement à l’ancien président de la République, François Mitterrand. Je lui reproche plus précisément la relation personnelle qu’il entretenait avec René Bousquet qui, rappelons-le fut Secrétaire général à la police sous l’Occupation, en 1942. Enfin, je n’oublie pas le passé de Mitterrand, sous Vichy.
Question : Mais la gauche française des années 2008, ce n’est plus Mitterrand ?
AG : Je le sais bien et j’ai aujourd’hui de nombreux amis à gauche que je continue de fréquenter et qui sont des gens très bien.
Question : En ce qui concerne le conflit israélo-arabe, vous semble-t-il que la droite républicaine, serait plus conciliante que la gauche ?
AG: Je vous répondrai que tout dépend de qui et avec qui l’on parle. Il y a de vrais amis de la communauté juive et d’Israël, dans les deux camps. Mais, il y a aussi des gens qui ne comprennent pas notre point de vue à droite et à gauche… !
Question : Vous êtes vice président du Fonds Social Juif Unifié. Quel est l’état des relations entre le CRIF et le FSJU ?
AG : Historiquement tout d’abord, les deux institutions sont intimement liées ; outre le fait qu’elles partagent depuis fort longtemps la même adresse et qu’elles ont des dirigeants en commun (dont je suis), il existe entre nos deux institutions une communauté de vue sur tous les grands sujets du moment. Cela a été encore réaffirmé le 20 février 2008, lors d’un déjeuner cordial qui réunissait autour des deux Présidents, les deux bureaux exécutifs et les deux directeurs généraux des Institutions.
Question : Vous êtes également le porte parole du Service de Protection de la Communauté Juive. En quoi consiste votre rôle ?
AG : Mon rôle est surtout un rôle d’explication des questions de sécurité. Etre la relation entre les pouvoirs publics dans la communauté et l’interface avec les journalistes, en cas de crise ou de tensions. Il s’est souvent agi de valider auprès notamment de la presse le caractère antisémite ou non de certains actes, après enquête de la police et du Service de Protection.
Question : En ce qui concerne l’antisémitisme, comment évaluez vous la situation ?
AG : Malgré de nombreux progrès dans le traitement des actes d'antisémitisme, leur niveau et leur récurrence posent problème.
Question : Pensez-vous qu’il y puisse y avoir comme une « recette miracle » qui permettrait de lutter efficacement et durablement contre l’antisémitisme ?
AG : Je ne pense pas. Ce qui est fait depuis 2003 va dans le bon sens. Le travail principal c’est l’éducation des jeunes et c’est pour cela que je pense que la proposition du président de la République, lors du dîner du CRIF est très bonne et va très loin dans le sens de l’éducation.
Question : Mais les pédagogues et les psychologues pensent que cette proposition n’est pas adaptée à de très jeunes enfant ?
AG : Avec un tel raisonnement, on finira par décrocher les plaques qui sont apposées sur les frontons des écoles en mémoire des enfants déportés, puisque leur lecture pourrait -si l’on suit ce raisonnement- éventuellement traumatiser des enfants.
Question : Pour les questions mémorielles, ne craignez-vous pas de concurrences victimaires ?
AG : Non, parce que la Shoah, c’est le crime raciste absolu et paroxystique. Si la Shoah est bien expliquée elle peut évidemment aider par l’éducation à lutter contre tous les racismes.
Question : Pensez-vous que le CRIF se batte suffisamment pour dénoncer le racisme ?
AG : Je pense que le CRIF n’a jamais failli dans ce domaine, chaque fois qu’il le peut et le doit, le CRIF a exprimé sa solidarité, par le passé.
Question : Que représente Israël pour vous ?
AG : Un élément central : le cœur du peuple juif d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Question : Quel est votre conception du judaïsme ?
AG : A titre personnel, je suis ce que l’on appelle un Juif pratiquant, je respecte le Chabbat et je mange Cacher. Mes enfants fréquentent une école juive. Ma femme et moi avons fréquenté une école juive. Pour autant, je considère la pratique et la religion comme des questions qui relèvent de la vie privée et de l’intime.
Question : Quel est votre regard sur les couples mixtes et les enfants de ces couples ?
AG : Ca dépend ce qu’ils ressentent eux-mêmes. Je ne porte pas de jugement, je pense que tout doit être fait pour faciliter la vie de ceux qui se réclament du judaïsme. Mais, il y a beaucoup d’enfants de couples mixtes qui ne se sentent pas du tout juifs.
Question : Au fond, être juif pour vous c’est quoi ?
AG : Etre juif, c’est être fidèle à une histoire et tout faire pour que nos enfants et petits enfants restent fidèles à la même histoire.
Question : En somme, c’est une histoire d’amour ?
AG : Pour moi franchement oui sans problème, je me sens juif à tout moment de la journée et en toutes circonstances.
Question : Un Juif universel ?
AG : Je me sens avant tout un être humain. J’ai beaucoup d’amour pour le genre humain et pour mon prochain quelle que soit son appartenance, et cela fait aussi partie de ma conception du judaïsme.
Propos recueillis par Marc Knobel